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Photo du rédacteurGinette Flora Amouma

Anise Koltz, la dame du Luxembourg

Dernière mise à jour : 20 août


Née en 1928 au Luxembourg, Anise Koltz, poétesse prolifique, décède en Mars 2023 en restant toujours attachée à sa terre luxembourgeoise.

Issue d’une culture plurielle, elle  parle et écrit en trois langues. Par ses origines multiples, tchèque, allemande, anglaise  et belge, elle représente les lettres européennes.

Elle écrit d’abord en allemand puis  à partir de 1980, elle adopte le français après le décès de son mari René Koltz.

 Elle reçoit plusieurs prix et distinctions honorifiques pour l’ensemble de son œuvre.

Son premier recueil de poésies est écrit en allemand et ensuite elle est publiée dans une collection bilingue.

Elle collabore avec des revues de poésies comme « L’ailleurs des mots ».

Au Luxembourg , elle est publiée par les éditions Phi et par les éditions Arfuyen.

En 2016, elle est publiée chez Gallimard qui en 2018, rassemble une anthologie de son œuvre poétique : " Somnambule du jour", 2018, le livre phare qui permet de cerner l'univers d'Anise Koltz.   

En 2018, elle reçoit le prix Goncourt de la poésie.


Son écriture


La première lecture de la poésie d'Anise Koltz retient l'attention. La brièveté des mots, la petitesse du cadre dans lequel les mots sont enchâssés, la chute des mots comme des feuilles ou comme de lourdes pierres, tout surprend. Il semble qu'un miroir a éclaté et qu'elle ramasse des éclats de verre car les mots sont coupants, non pas déchirants mais laissent une estafilade ouverte sur un tout petit morceau de peau.


" Casser le mot comme une noix

En extraire le noyau

Le broyer entre les dents

Le recracher au poème "


Ses premiers recueils parlent d'un monde de pierres. C'est une méditation, c'est le thème de l'enfermement, celui de l'errance qui est son thème principal :


" Tout est partout mais rien n'existe "


Pour parler des absents, elle se couvre d'ombres et de pudeur. L'avenir des jours est-il possible avec l'absence ? Même si on avance parce qu'il faut avancer non pour suivre le cours d'un destin tracé parce qu'elle refuse de parler de destinée, on avance avec ce que l'on possède. Elle parle de ce qui reste avant que le destin fasse irruption.


Au cimetière


"Tant de morts autour de toi

Quand je te parle tous me répondent

Tous se redressent je ne t'entends presque pas

Le soleil se détourne quand vous ouvrez vos tombes

Pour respirer un peu "

(Galaxies intérieures)


Ses poèmes laconiques explosent dans la vivacité fulgurante d'une observation ou d'une description. L'instant présent, elle le vole et le grave car dans son monde intérieur, elle est libre et peut user de sa force créatrice pour devancer la mort.

Elle parle et apostrophe un " moi" exigeant.


" Mon poème est une bête de sacrifice

A fourrure noire

De sa gorge incisée gicle le sang

Dont j'enduis le linteau de ma porte

Pour écarter tes malédictions "


Son écriture est immédiate, sans passé ni futur, c'est elle et elle seule qui en repoussant les limites de la vie d'être né et devoir mourir, se donne un espace temporel unique où elle existe par elle-même.

L'indicible a besoin d'un langage, un rayon de lumière qui darde son faisceau sur les ombres.

Son champ lexical est dur pour écrire que parvenir à l'éternité convoitée, signifie passer des ponts, traverser des mots, passer par dessus le destin que la poétesse dénigre. Elle veut rester maîtresse de son jour et du jour qui vient et sortir de l'enfermement imposé.

C'est l'univers de l'interrogation qui affleure dans le style adopté, vers sobres, âpres, précis, lapidaires et incisés dans l'intention qui est de s'étonner de ce qu'est la vie, de ce qu'est la mort.

" Chaque poème est une descente aux enfers

Une chute dans l'inconnu

Une angoisse de ne pas savoir

Si le retour sera possible "


Marginale, elle le dit quand elle affirme sa difficulté à se soumettre à l'ordre social et religieux.

La poésie aide à vivre et à renaître :

" Sur mon corps

Des marques d'anciennes civilisations

Des débris de langage

Un homme se plante dans ma chair

Comme un arbre tourmenté

Par la tempête "





L'avaleur de feu - Dessin de Diglee


Dessins de Diglee-blog d'une illustratrice








" Dans ce monde démuni de sens, le langage est notre ultime refuge. C’est lui qui appelle notre présent à exister.

Seul le poète apprivoise les mots et les fait chanter avec les canaris "






La poétesse est lucide, elle écrit dans " La lune noircie " :



" Lève toi et marche, prends le soleil et la lune avec toi

Dans les récits où je t'entraîne, il fera chaud et il fera froid

Lève-toi et marche, je t'accorderai le pain quotidien

Pour l'amour de l'homme

Pour l'amour du blé et des intempéries

Pour l'amour de cette terre qui nous fait naître

et toujours reprend "


( La lune noircie )




"Dans la poésie, j'écoute le silence

Dans le silence, j'écoute la mort et le recommencement "




" Des galaxies me traversent

Sans prendre conscience de ma mort

Eteinte depuis des millénaires

Mon image a oublié

Qui j'étais "




Toute son œuvre, après avoir laissé éclater toute sa colère, se meuble d'un calme apparent. " Nous errons dans un monde de pierres"


Elle parle d'une réalité qui échappe sans cesse que ce soit la part visible des choses comme de son côté caché :

" Autrefois l'homme avait peur de l'avenir

Aujourd'hui l'avenir a peur des hommes "


Ginette Flora

Août 2024

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1 comentario


Mille fois merci, Ginette, pour cette femme de lettres qui tu me fais découvrir...

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