Anthony Abdelkarim, le peintre de l'arbre rebelle

Il est né à Beyrouth en 1998. 

Sa peinture interpelle dès qu’on voit le thème favori du peintre revenir à la charge dans  la presque majorité de ses toiles.

Il s’agit de « l’arbre  nu penché par le vent devant la tempête » 

Son style est classique, il travaille à l’acrylique, il puise dans le classique les jalons qui l’enracinent dans une pensée millénaire.

Il est le fondateur du club libanais des artistes.

En 2020, il ouvre son atelier des Beaux-Arts "Empreintes de couleurs"

 «  Le classique est la roche sur laquelle je bâtis mon habitat »

 Et son slogan est : « Je peins pour un monde meilleur »

Emporté lui-même par les remous des événements historiques de son pays le Liban, il prend l’arbre pour  modèle.   Sa résilience, il la trouve dans  la peinture.

 L’arbre qui plie devant les orages et les foudres, l’arbre qui vit malgré le spectacle désolé que peuvent donner les affrontements tant naturels qu’humains, est pour lui l’élément phare qui ne le quittera pas. Le cèdre est l’arbre symbole du Liban.

 L’arbre est dans la nature un pilier, le cèdre peut vivre des millénaires, la confiance peut s’installer dans un paysage si dévasté soit-il.

 L’art est la raison qui nous conduit. Il écrit ses quelques réflexions dans un livre : « Qu’avons-nous fait de l’art ? 

 Le cèdre c’est l’arbre symbole du Liban

C’est le symbole de la sainteté, de l’éternité et de la paix. Le cèdre appartient à  une famille  de conifères  qui recouvrait le Mont Liban, une chaîne montagneuse du pays. Il a un port conique et des branches basses. C’est un arbre originaire des montagnes  qui s’est adapté en plaine. Abdelkarim ne pouvait pas ne pas peindre le cèdre du Liban. Il le nomme le vieil arbre ou la renaissance du cèdre.

Le vieil arbre

En France, on le trouve dans les régions du nord  ( La Somme, La Seine maritime ) comme dans les régions du Sud ( Le Gard, La Haute Provence ).

Ceux qui sont passés devant le cèdre ont été interpellés par son port conique. En effet, son port devient presque tabulaire quand il se déploie pour toucher terre.

La grande endurance ainsi que la longévité de l’arbre leur inspirent quelque belles émotions :

 « Les cèdres du Liban sont les reliques des siècles et de la nature, les monuments naturels les plus célèbres, mieux que l’histoire elle-même. » écrit Alphonse de Lamartine lors de son voyage en Orient.

St Exupéry a séjourné au Liban en 1935 et c'est dans "Citadelle" qu'il dit :

" La paix est un arbre long à grandir. Il nous faut de même que le cèdre encore beaucoup de rocaille pour lui fonder son unité. "

A Montpellier, dans le square Planchon un cèdre est  planté depuis 1858 pour illustrer les villes qui avaient participé à l’épopée des comptoirs des Indes.

 A Paris, on le trouve dans le jardin des plantes.

Rudy Rahmé , le sculpteur et peintre

Et puis vint Rudy Rahmé, le sculpteur qui est aussi peintre et qui est aussi poète. Oui, tous les arts se correspondent, on va de la peinture à la sculpture comme on va du récit à la poésie.

Le sculpteur libanais ne peut se résoudre à perdre une forêt de cèdres foudroyés par les tempêtes en 1992. Afin que les cèdres ne soient pas coupés, éliminés et abattus, il crée un musée naturel appelé la Martine Cedar à partir des vestiges de l'ancienne forêt. C'est une œuvre insolite, magistrale, les arbres reviennent à la vie grâce à l'ingénieuse création de Rudy Rahmé qui sculpte des visages dans le bois mort. Ainsi l'histoire de cette forêt dure.

Il sculpte des visages sur le tronc émacié des cèdres âgés de 4000 ans, il niche des figures emblématiques dans les cavités béantes de moisissure. Il le nomme « Sculpture La Martine ». La pièce fait 32 m de haut et taillé complètement dans le bois mort du cèdre.

La place de la Trinité se trouve à l’intérieur de la forêt des cèdres  des dieux, à Bchareh.

Suivons Rudy qui nous explique sa démarche.

Dans l'ancienne forêt où vivent les touches des dieux, dans les cèdres, où vit la légende du temps, tenant les arbres de milliers d'années, écrivant sur leur peau brune des histoires et des histoires, nous racontant une partie de l'âge de cette terre ; dans la forêt du temps, où les aigles s'emparent des petites histoires des pins cèdres, et s'envolent avec eux jusqu'à la vallée des saints. Ici, au milieu de cette bataille, où les branches de cèdre épousent le vent, comme si la terre tombait amoureuse et adorait les brises matinales.

Oui, dans cette forêt, la tige du cèdre s'élève comme une lance, saisissant les saisons, les saisons de la terre et s'élevant avec elles pour écrire sur les pages du ciel. Dans la forêt de cèdres, un géant se dresse face au vent, le brise et celui-ci le brise et la bataille continue encore et encore. Si le cèdre se brise, il devient le vent de la terre, mais si le vent brise sur son front, les échos se dispersent pour remplir la vallée… Le vent et les cèdres ne font qu'un… ils ne font qu'un… le vent entraîne la neige qui recouvre ses branches en mètres, cette neige, premier témoin de la naissance de l'âme.

Dans cette forêt, des cèdres anciens qui ont pu être frappés par les tempêtes et dont certains sont restés debout. Nous y avançons lentement, comme si la forêt était le premier autel de Dieu, nous n'osons jamais toucher une seule branche cassée qui a été brisée ou déchirée dans la bataille du temps. Nous entrons au son du marteau qui crie « Je préserverai les cèdres du temps intouchable des scies de l'homme… »

Je l'ai vu dans mon rêve quand j'étais un jeune garçon errant dans ses espaces, je l'ai entendu me dire, ne me déshabille pas devant mes amis, je serai nu devant eux, oui, je les envie qu'ils sont encore en vie alors que j'ai été frappé par la foudre.

Oui, nous réagirons le marteau, nous réagirons à l'arbre qui lui dit de laisser ce qui a déjà été laissé, pour qu'il puisse rester avec les formes laissées par les gens et avec les sons qu'il a entendus des hymnes de la vallée… Mais le Hammer répond que ses sons raconteront une histoire dont les mots sont plus forts et dont les airs sont plus doux que toutes les histoires qui ont été racontées auparavant… La rénovation de la vie nous confère des choses d'autres vies.

Je suis un cèdre, vieux de 4000 ans, les jours m'ont sculpté, mais ensuite est venu celui qui poursuit mon histoire intemporelle… Dans ma première tige, un Jésus majestueux m'a emporté dans les profondeurs de la terre, il aime aller dans les atomes de la création… levant ses mains comme s'il s'agissait des mains du temps et du lieu.

Dans la main du temps, nous voyons des visages et des corps de l'humanité, dont certains sont recouverts par la peau de l'arbre, recouverts parce que le temps est invisible. Au-dessus se trouve The Bird Lady, une femme aux bras ouverts sur lesquels les oiseaux se présentent pour se réchauffer les cheveux. Vous pouvez voir la vieillesse Vous voyez quelques détails d'un corps qui a été accablé par les blessures de la vie… et il continue de se lever, des visages et des visages, partout où vous regardez et tournez autour de ce t-shirt… né et renaît les uns des autres… par une puissance invisible. Oui, c'est la main droite avec laquelle Dieu a mélangé la pâte de la terre et du ciel.

Dans l'autre branche, il y a la main du lieu, qui regarde sur nous par une dame là-haut, qui est en train d'accoucher et dont la tête de son bébé sort ; on peut voir l'homme qui tient cette femme haut, on le voit avec des détails plus clairs car l'endroit est limpide. Il y a aussi le visage d'un enfant qui devient une femme, et l'enfant ne se nourrit plus du sein de sa mère, mais sa mère se nourrit du sein de sa propre mère.

La vie change et on peut apercevoir le visage d'un vieil homme, le Garde du Temps. Ses cheveux tombant dans les cercles des âges, son œil fatigué par les longues nuits, son nez défie les tempêtes et son front a été abattu par le temps. Descendant dans la grotte d'eux-mêmes, des corps et des corps qui ne veulent pas se relever… ils restent au pied de l'arbre, luttant contre leur mort. Et Jésus et ses côtes… adorent toujours la terre pour porter ses péchés. Son miroir devant lui, ses jambes s'enfoncent dans le sable pour devenir les racines qui ont longtemps maintenu l'arbre debout.

Oui, le temps et le lieu flirtent dans l'arbre de la création. Dans cet arbre, Jésus est comme l'homme, tandis que dans le 2ème arbre, Jésus est au sommet de cet arbre, devenant les épines et les clous au moment de la transformation de la douleur de la terre à la paix des cieux… l 'ancien testament se trouve au pied de cet arbre un vieil homme, dont la peau tombe et l'arbre se fissure et on voit les épines lui gratter la peau et les lances la poignarder, comme s'ils le préparaient à être crucifiés… . en attendant sa grande résurrection.

Le troisième arbre est le Saint-Esprit, sous la forme d'une aile coupant la terre pour s'élever comme s'il agissait d'un feu éternel.

Ces 3 arbres forment « Le Carré de la Trinité » de la forêt de cèdres.

Rudy Rahmé

L’arbre a une telle valeur symbolique que le peintre Anthony Abdelkarim achève ses méditations picturales sur un retour aux sources où la réalisation  d’une maison dont les vignes de l’enfance ont généreusement suivi les pas de l’enfant qu’il était, offre un coin de verdure avec un arbre penché comme recouvrant de son feuillage bienveillant la quiétude de la maison.

Un  pèlerinage qui concerne chacun de nous.

 C'est la toile de la " Tranquilité "

Ginette Flora

Août 2024