Le nouvel album studio de Cécile Corbel paraît en Septembre 2024. La chanteuse harpiste compositrice propose un spectacle magique en ajoutant textes et dessins à son répertoire.
« Je vais être à la fois conteuse et chanteuse »
Tout le grand cycle arthurien est repris avec ses personnages, ses fées, ses enchanteurs, ses châteaux et ses forêts. Le voyage breton est au coeur de son imaginaire.
Née en 1980 à Pont-Croix dans le Finistère, c’est à l’âge de 15 ans qu’elle découvre la harpe celtique pour laquelle elle voue une véritable dévotion. Elle n’a de cesse d’en avoir maîtrisé la technique pour pouvoir composer ses propres créations où prédomine essentiellement l’imaginaire des pays celtes.
Elle donne des concerts, d’abord dans le quartier breton de Paris puis peu à peu sur les grandes scènes internationales.
Après avoir repris les contes celtiques puis les musiques de monde, en passant aussi par le classique et le baroque quand elle participe à l’opéra rock en 2009 ( voir article du 7 Mars 2023 dans la catégorie musique du blog ) sur la vie d’Anne de Bretagne, elle se fait connaître par ses ballades et les marches irlandaises, ses madrigaux, ses chants médiévaux qui peu à peu deviennent un enchantement. Le public découvre et se réjouit de se doter d’une nouvelle fée.
Cécile Corbel cherche ce qui fait le fondement d’une culture, la joie intime, celle qui est vibration de peine ou de bonheur, de détresse ou de vive émotion, elle nous mène tel un korrigan vers ce qui nous paraît inaccessible.
Plus d’une dizaine d’albums studio nous font entrer dans son univers floral et pictural. La musique en sublime les sentiers.
Les albums
Les « Songbooks » , elle en enregistre cinq volumes. ( 2004/2008/2011/2013/2021 )
Dans le troisième volume, un chant d’origine turque orientalise son répertoire. Elle le présente ainsi :
Yarim gitti
"Une chanson découverte par hasard, il y a une poignée d'années sur un disque de chants médiévaux turcs et séfarades. Un vrai coup de coeur que nous jouons très souvent en concert avec les musiciens. On nous a souvent demandé si elle figurerait un jour sur un album. C'est chose faite. Voici une version "live" de cette très belle mélodie d'Anatolie : j'espère que vous l'aimerez." (livret de l'album)
C'est un air pour danser [...], c'est aussi une chanson d'amour, ça s'appelle Yarim Gitti, ça veut dire :
« Ma bien-aimée est allée à la fontaine, pour raviver mes souffrances, moi, moi je donnerai tout, tout ce que je possède pour boire de l'eau de sa main.'" Cécile Corbel, Septembre 2014
2011
En 2009, elle se fait connaître au Japon avec son album « Arriettty’song ou le petit monde des chapardeurs. »
Arrietty's song
Extrait "the wild waltz"
En 2014, c’est l’album « La fiancée « avec l’étonnant « Entendez-vous ?
En 2016, elle sort l’album « Vagabondes » qui sont des chansons folk.
C’est aussi une fidèle participante des festivals interceltiques de Lorient.
Au festival interceltique de Lorient de la saison 2024, elle a chanté quelques morceaux de son nouvel album Graal et raconté quelques histoires féeriques.
Au pays des fées, des rois et des sorcières
Accompagnée de quatre musiciens, .Cécile Corbel a présenté un nouveau spectacle, issu de son album Graal, à paraître le 13 septembre. Un disque dans lequel elle revisite les légendes arthuriennes, de Lancelot à la Dame du Lac, en passant par le roi Arthur.
Extrait de la saison 2019
Le Graal
J’ai voulu lire les noms des quelques morceaux de ce nouveau Graal.
A la lecture du titre du 12ème morceau « La porte est en dedans », je suis restée pétrifiée.
Il m’en souvient.
C’était vers les années 2018 ou 2019, j’ai écrit une poésie que j’ai nommée :
« La porte est en dedans »
Entends-tu corner les brouillards ?
Les embruns lâchent les amarres
Les harpes gravées des falaises
Dévorent le vent des hauteurs
Révélant le temps des rigueurs
Viens chercher les mots qui apaisent
Ceux qui s’emmurent, s’effacent
Crevasses des blessures lasses
Les vertiges font des ravages
Les malaises dessus les flots
Sombrent comme bateaux cargos
Le phare torpille sa rage
Laissons-nous guider par la lande
Redisons, dansons sa légende
Libérons l’herbe conduisant
A l’entrée ouverte vers les cieux.
Ouvrage ou calice précieux ?
La porte étroite est en dedans
( Ginette Flora, 2018-2019 )
J'ai voulu en avoir le coeur net et suis partie à la recherche de la porte est en dedans. Et je n’eus de cesse que d’avoir trouvé d’où pouvait bien venir la formule. Comment une telle apostrophe avait-elle jailli de ma conscience ? Et qu’avais-je manqué en moi ? Pourquoi surgissait-elle par éclairs énigmatiques ? Et ce que cela signifiait. J'ai été éclaboussée mais de quoi ? Le Graal, le graal mais qu'était donc ce graal ?
La forêt de Brocéliande, le roi Arthur, Lancelot et Galaad
On dit en ces forêts de Brocéliande qu’un abbé Henri Gillard vint sauver de ses ruines une vieille église où seuls des oiseaux y cherchaient refuge, où des murmures traversaient les murs de pierre décrépie. Il les écouta d’abord avant d’officier sur l’autel dégarni des offrandes devenues des miettes de pain et de l’eau des sources , où le bélier et le verseau se tiennent inversés sur les fonts baptismaux.
Henri Gillard reçut une affectation à célébrer ses offices en l’église de Tréhorenteuc, dans un petit village situé près de la forêt de Paimpont.
Quand il y arrive, en 1942, il comprend vite qu’il est le pasteur spirituel de 150 habitants pour la plupart de modeste condition et plus tournés vers les croyances primitives issues d’un enseignement ancestral que férus des choses d’une église à vocation évangélisante.
Il y avait fort à faire s’il voulait mener son sacerdoce comme l’entendaient ses supérieurs hiérarchiques.
La difficulté ne le rebuta point. Il resta vingt ans à redresser les pierres et en restaurant une église recouverte de mousse et de salpêtre, il entendit des voix, il apprit à écouter aux angles des poutres. Accoudé au chambranle, il rencontra un peuple et ce qu’il ne croyait être qu’une légende, devint une aventure, celle du Graal.
Il fit de son église un bâtiment lumineux avec l’aide de peintres, de sculpteurs et d’une poignée d’hommes sensibles à l’esprit de Brocéliande. Les légendes côtoient les Evangiles, le chemin de croix présente les personnages de la légende arthurienne, la fée Morgane voit Jésus tombant à ses pieds, Les vitraux intègrent les rois, les fées, les êtres mythiques tandis que sur l’autel, brille la coupe du Graal que Galaad cherchait.
En levant son calice durant l’offertoire, l’abbé Henri lève le calice d’or du Graal. Les animaux font partie de la parade, le cerf blanc, les lions rouges….L’abbé Henri comprend que ce qu’il enseigne à ses ouailles n’est pas indissociable des grands mythes fondateurs d’une terre marquée par le sceau des secrets, des règnes forestiers. La forêt et ses divinités, ses ermites et ses sylvains, ses guérisseuses et ses fontaines sont les acteurs de la messe qu’il officie tous les jours.
La fusion de l’esprit médiéval avec la spiritualité chrétienne se concrétise. Le conservateur des Saintes Ecritures sait reconnaître l’aventure des chevaliers du St Graal. L’abbé est sensible à la densité opaque, au végétal, à l’humus et aux tumulus érigés à la mémoire des anciens héros de la forêt de Brocéliande.
Il christianise le Graal et prêche avant toute chose, le seul sacrement qui en vaut la peine et qui est le baptême de l’amour.
L’église du Graal
Les travaux durent 12 ans. Il en fait l’église du Graal avec ses seules énergies, celle de la communication, celle de la foi, celle de l’acharnement. Il fait poser des vitraux aux noms légendaires : « L’apparition du St Graal » , « La Table Ronde », « Sainte Onenne, une jeune bretonne de Trehorenteuc ».
Liturgie chrétienne et culte primitif, l’abbé Henri parvient à les faire cohabiter. Un chemin de croix unique avec des personnages du merveilleux païen est sculpté, un peintre fait figurer les paysages du village dans l’arrière-plan.
Dans les années 1950 sont construits des murs, un chapitret (une galerie extérieure) soutient la façade sur laquelle est inscrite l’inscription " La porte est en dedans ".
Il fait de l’église une malle de symboles, de chiffres ésotériques. On lit aussi entre deux ouvertures « Ce que l’on voit n’existe pas mais ce que l’on ne voit pas existe »
L’abbé Henri ne recule devant rien pour finaliser ses travaux, chercher des fonds, éditer des brochures et des guides et faire valoir le patrimoine culturel légendaire du Graal.
L’église est appelée l’église du Graal. C’est la seule église à avoir célébré le Graal qui guide les héros vers leur destin. Au bout de la quête, il y a un calice d’or.
Mais les médisances enflent, les ragots se répandent, des rumeurs malveillantes circulent sur l’esprit insolite, peu orthodoxe de l’abbé Henri.
En 1962, il est destitué et doit quitter le village, il n’est plus qu’un homme à la recherche d’un emploi. Il est interdit de séjour à Trehorenteuc malgré les instances de ses fidèles ouailles pour faire valoir son intégrité morale et religieuse.
En 1968, il revient vers son village où le curé le reçoit avec amitié et le laisse retrouver son église jusqu’à sa mort en 1979. L’évêché le réhabilite en l’enterrant dans une des chapelles de l’église.
Ce qui reste de cette aventure, c’est qu’à l’instar des chevaliers de la Table Ronde, l’abbé Henri a voulu retracer sur les murs de son église les récits magiques et le merveilleux épique des légendes du cycle d’Arthur et de ses combats, de ses allégeances avec les créatures du Val sans retour dans la forêt de Brocéliande.
L’abbé Henri voulait qu’on le comprenne. Il laisse ainsi un héritage : des mots, des paroles. Avant de visiter l’église, on lit sur le fronton de la galerie, la mise en garde suivante :
« La porte est en dedans »
Est-ce une invitation à visiter l’invisible, à aller au delà des apparences ?
Il ne s’agit pas d’interpréter, la formule donne lieu à des poésies, à des musiques, à des peintures. Très certainement, elle nous interpelle.
Cécile Corbel y a été sensible. C’est comme si on adhère au sens des mots, on accepte ipso facto les mots qui parlent de la quête de soi-même.
La harpiste le dit en chantant :
C’est la porte d’un ancien royaume
Entre le ciel et la lumière où brille l’or d’un mystère ….
" La porte est en dedans"
Photos © crédit sites Destination Brocéliande et site La fonderie et Piwi
Oser entrer et poursuivre la quête, reconnaître les signes, oser la découverte. On n’entre pas dans un itinéraire balisé. On commence à écouter et à se demander qui est à l’intérieur du sanctuaire.
Se dire qu’on a été invité et qu’en continuant, on se découvre un espace qu’on a longtemps ignoré.
Ginette Flora
Septembre 2024
La quête du Graal : un très beau texte, Ginette et j'entends la voix de Léo Ferré : "Est-ce ainsi que les hommes vivent ?"
j'ai adoré Ginette, un univers magique et mystérieux, des murmures de si loin...des mondes que j'ai apprivoisés , petite, et là, je me suis régalée de tout ... Merci à toi ! ❤️
"Laissons-nous guider par la lande
Redisons, dansons sa légende
Libérons l’herbe conduisant
A l’entrée ouverte vers les cieux.
Ouvrage ou calice précieux ?
La porte étroite est en dedans" superbe !