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Dle Yaman

L'année 2024 sera l'année de l'amitié franco-arménienne, une année où des évènements seront organisés pour renforcer les liens culturels entre la France et l'Arménie ( le résistant Missak Manouchian entrera dans le panthéon, une rétrospective Charles Aznavour se prépare, la création d'un département Arts au Louvre pour l'exposition du patrimoine arménien verra le jour. )


Le lien vidéo ci-dessous montre Khor Virap, un monastère arménien situé dans la région d'Ararat, non loin de la capitale d'Erevan.

Le " Dlé Yaman" est un chant lancinant, mélancolique, nostalgique que le "duduk", la flûte arménienne, souffle sur les hauteurs enneigées du Mont Ararat. Il ressemble à une lamentation qui vient du fond des âges.

Il est devenu l'hymne de l'histoire des Arméniens.





L'Arménie

En des temps lointains, l'Arménie était un vaste territoire situé au centre d'un Orient englobant actuellement l'Iran, l'Azerbaïdjan, la Turquie et la Géorgie. C'est un pays de pierre, la pierre volcanique, le "tuf", la pierre avec laquelle le sculpteur au fil du temps a pris comme matériau pour graver des formes géométriques, des croix, des runes, des signes qu'un alignement pensé donne à l'œuvre une dimension spirituelle. Le peintre s'est servi de la pierre pour y apposer des dessins, des paysages contrastés entre terre et ciel. Le poète y a inscrit son langage.

L’Arménie est enclavée entre quatre pays, sans aucun accès à la mer. Elle est située au centre du plateau arménien, berceau des civilisations indo-européennes. Elle possède un très riche patrimoine culturel.

Convoitée par ses voisins, l'Arménie a subi les plus grandes atrocités de sa douloureuse histoire évènementielle.

Tout au long des siècles, son cours historique l'a amputée de ses terres anciennes.

De par les nombreux génocides dont la population a été victime, le peuple arménien est non seulement un peuple historique mais aussi celui qu'enfante sa diaspora.

D'Avril 1915 à fin 1923, les arméniens sont déportés, massacrés, torturés par le pouvoir turc de l'époque. Ce génocide a été comparé à d'autres génocides du XXème siècle et n'a été reconnu qu'en Septembre 2023 par bon nombre de pays. Des cercles littéraires et poétiques, des ensembles musicaux, des amicales culturelles se développent pour faire entendre une voix, celle de l'Arménie.

Extrait du concert d'André Manoukian au Trianon de Paris en Janvier 2018



Le Dlé Yaman


Il reflète toute l'âme arménienne. Il est presque considéré comme un texte épique, enchâssé dans son éternité générationnelle, qui véhicule un héritage, une "tenue" de vie et d'attachement à une terre âpre, rude, sévère et pourtant baignée par la lumineuse clarté des sommets blancs et purs du mont Ararat.

Toute la culture, tous les contes qui en découlent, toute sa littérature est inscrite dans le souffle du duduk qui flûte pour libérer une étrange lamentation.

On ne traduit pas le Dlé Yaman, ce sont deux mots accolés fait d'amour et de deuil, de joie et de peine, de vie et de mort, de séparation et de solitude. Comment le dire en deux mots quand " Dlé " signifie "coeur" et " Yaman" signifie " être anéanti" dans l'expression "Dlé Yaman" ?

En écoutant le chant, on sait déjà que le coeur est pénétré par la brise d'une plainte, on sait déjà que l'épine de la rose griffe un muscle du ventricule, on sait déjà que le chant d'un ruisseau s'écoule et suivra un cours éternel dans nos cœurs.

C'est une histoire d'amour dont parle le Dlé Yaman, un amour impossible qui naquit d'un regard puis se perdit dans le temps.

La litanie creuse le long couloir de l'âme, s'insinue par une vague presque lucide de regret d'une "chose" qui a existé mais qui s'est isolée dans la montagne blanche et lointaine.

Dlé Yaman reprend une sorte d'identité qui vient des plateaux caucasiens.


Le chant est intemporel par la douleur qu'il évoque, l'amour à peine entrevu mais anéanti, disparu laissant à celui qui reste d’en porter le deuil, la perte, l'absence.


J'ai choisi de présenter la traduction qu'en a faite Lilith Zakoyan et qui se rapproche le plus près du sens originel :


Dle Yaman Kamin ekav kraki pes, le duduk

Dlé Yaman

 

Hélas, Hélas, le vent soufflait comme un feu,

Hélas, Hélas,


Ekav hasav chur covu kes,

yaman yaman, yar 


Hélas, Hélas, a soufflé sur la moitié de la mer, le saz , luth arménien

Hélas, Hélas,


Dle Yaman, Arev dipav Masis sarin,

Dle Yaman 


Hélas, Hélas, le soleil s'est levé sur le mont Masis,

Hélas, Hélas,


Dle Yaman Arev dipav Vana covin, Dle Yaman


 Hélas, hélas, le soleil a touché le lac de Van, le dhol ou tambour

hélas, hélas,


Karot mnaci es im yarin,

yaman yaman yar 


Oh, Hélas, je désire toujours mon amour,

Hélas, Hélas, ô mon amour !


Dle Yaman mer tun dzer tun irar dimac,

Dle Yaman  le kamancha ou violon


Hélas, Hélas,

Nos maisons se font face,


Menq sirecinq aranc imac,

yaman yaman yar


On s'est aimé sans le savoir,

Hélas, Hélas, Oh mon amour.


Yaman, yaman, yar 

Hélas, Hélas, Oh mon amour. 

 

[ Traduit par Lilit Zakoyan qui est professeure agrégée, auteure et écrivaine indépendante. 

Elle est l'auteur du manuel « English for Psychologists » et de plus de 25 articles scientifiques et de fond, dont « Arménie : Terre d'Églises, de chagrin et de sagesse »,

"Duduk arménien " ]

La culture arménienne, ses drames historiques, son courage et son retour à la vie, autant de thèmes qui sont évoqués par beaucoup d'artistes et d'écrivains, poètes, peintres et cinéastes.

Atom Egoyan dans son film " Ararat "

Henri Verneuil dans son film " Mayrig "

Elia Kazan dans son film " America , America"

Inna Sahakyan " Aurora's sunrise" (2020)


Le poète Gomidas Komitas, musicologue, a écrit des poèmes sur l'identité arménienne.

Charles Aznavour en parle dans " Ils sont tombés".

Le chant s'est coulé dans plusieurs arrangements, divers instruments s'en sont emparés. Je laisse la composition du musicologue Komitas nous envoûter :





L'épopée arménienne est une histoire mouvementée doublée d'une histoire de la diaspora arménienne, et qui influence considérablement la culture occidentale. Elle compte des épopées, des poésies, une littérature abondante, des légendes, des écrivains avec cette particularité que la littérature et la poésie arméniennes se développent ensemble, toujours très liées entre elles.


Et pour que reste la raison d'espérer, le lavash est le pain traditionnel qu'il est bon de partager entre amis.

Viens rompre le pain

 La terre est la seule origine

 Pourquoi chercher en vain

 Le pays où cultiver nos désirs

Oublier ou conduire

Le chant qui enlace les sommets

 Je t'ai donné la rose qui fleurit

  A chaque saison où tu viendrais

Février 2024

Ginette Flora


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6 commentaires


Colette Kahn
Colette Kahn
04 févr.

Quel voyage tu nous offres là, Ginette. Tout est découvertes et émotions... merci.

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Un voyage qui va jusqu'au fond des malles comme tu as pu le constater en lisant les commentaires.

C'est fou comme les souvenirs affluent et que nous nous retrouvons tous à plonger dans nos souvenirs !

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Comment ne pas être touché par l'Histoire du peuple arménien et par ces œuvres que tu nous fait découvrir au long de cet article rédigé avec sensibilité. Merci à toi, Ginette ! ^^

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Le salon invite les visiteurs à se confier.. Je ne pensais pas que tant de souvenirs à tous reviendraient vivre dans nos malles !

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Magnifique, Ginette ...les grands parents d'Eric ont fui cette Arménie bouleversante ...et Manouchian était un poète et cela m'a fait penser à ce poème qui me déchire chaque fois et où il y a les mots mêmes de M.Manouchian ... Merci à toi ...❤️


https://www.youtube.com/watch?v=Tj5XwjOuq7s

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Merci beaucoup, Viviane . Ton lien est émouvant et les mots de Manouchian qui sont repris dans la chanson en effet viennent de sa dernière lettre envoyée à son épouse qui le rejoindra au Panthéon le 21 février.

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