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François de Malherbe, l'orfèvre du mot classique

Dernière mise à jour : 11 août





Malherbe est un poète français, né à Caen en 1555 et mort à Paris en 1628. Il se fixe à Aix après des études de droit et s'attache à la famille du duc d'Angoulême qui devient son protecteur.

Il dédie à Henri III " Les larmes de St-Pierre" ( 1592)

et " Une Ode de bienvenue " (1600) à Marie de Médicis.

Il traduit les oeuvres de Sénèque.

Le roi Henri IV lui commande " Prière pour le Roi allant dans le Limousin "

Le Roi lui voue une admiration sincère et l'attache à sa Cour et Malherbe s'emploie à sortir du lot commun des poètes qui cherchent à se faire remarquer du Roi.

A l'âge de 50 ans, Malherbe devient le poète officiel du roi jusqu'à la mort de celui-ci, titre qu'il conserve durant les règnes suivants de Marie de Médicis et de Louis XIII.


L'évolution de son écriture poétique indique le passage radical de la période baroque ampoulée, ornementée, éclatante et fastueuse vers une période qui privilégie une esthétique dépouillée dont Malherbe se fait le chantre : style épuré du mouvement classique où l'harmonie, le goût retenu, la mesure prévaudront sur le vers poétique.

Tout le XVIIème siècle est fondé sur la proclamation de Malherbe de faire de la langue française une langue souveraine, dénuée d'artifices où " Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément " dira Boileau et avec lui tous les auteurs du XVIIème siècle marqué par le préambule de Malherbe. Boileau résume l'importance de la nouvelle poétique fixée par Malherbe en énonçant un hémistiche qui fera mouche dans son Art poétique ( 1674) " Enfin Malherbe vint."


Sculpture de Malherbe par l'artiste Jebulon

dans la Cour Napoléon, Palais du Louvre , Paris

Le fils de Malherbe meurt au cours d'un duel et le poète se retrouve sans descendance. N'ayant plus d'héritier et ouvertement attaché à son nom, il nomme son petit-neveu Vincent de Boyer comme héritier avec pour condition qu'il accole le nom de Malherbe à son nom et que ce nom figure sur trois générations de descendants en ligne directe. Le petit-neveu accepte que les générations suivantes conservent le nom de Malherbe.

Malherbe était rude, d'un abord difficile, froid et bourru. D'aucuns n'hésitent pas à dire qu'il ne donnait pas l'apparence d'un poète sensible et soucieux de préserver les susceptibilités de son prochain. Il est décrit comme un personnage maniaque, tyrannique, despotique voire même grossier comme s'il s'efforçait de cacher le coeur très épris et ému qui bat en lui.


Sa clé de voûte

Il est particulièrement autoritaire dès qu'il s'agit de défendre la pureté de la langue française. Maintenir la pureté de la langue était son obsession.

En 1587, il écrit " Les larmes de St Pierre " dans un style baroque qu'il dénigre par la suite en disant qu'il s'agit d'un péché de jeunesse.

Dès lors, il n'a de cesse de polir le langage en traquant tout ce qui est ornement, maniérisme, préciosité, surcharge ou claquement lyrique.

Il grimace devant le lyrisme de Ronsard et critique sévèrement l'inspiration poétique qui prend des allures de gravure exotique. C'est le premier théoricien de l'art classique .

C'est un poète des Grands de la Cour, il célèbre leurs victoires, il veille à la noblesse de leur lignage en glorifiant leurs accomplissements. Avec quelques disciples, il décide de refaire la langue et soumettre la poésie à une discipline sévère.



Ses poèmes suivent "le mode d'emploi" d'une technique dont il a fixé les règles. La langue s'en trouve rétrécie, recadrée et à peine peut-on en franchir les limites établies. Ses poésies sont techniques, il ne s'autorise un peu de lyrisme que pour son sonnet dernier, celui qu'il écrit après la mort de son fils :

[SUR LA MORT DE SON FILS]

1627

 

"Que mon fils ait perdu sa dépouille mortelle,

Ce fils qui fut si brave et que j’aimay si fort,

Je ne l’impute point à l’injure du sort,

Puis que finir à l’homme est chose naturelle.


Mais que de deux marauds la surprise infidèle

Ait terminé ses jours d’une tragique mort,

En cela ma douleur n’a point de réconfort,

Et tous mes sentiments sont d’accord avec elle.


Ô mon Dieu, mon Sauveur, puis que, par la raison,

Le trouble de mon âme estant sans guérison,

Le vœu de la vengeance est un vœu légitime,


Fay que de ton appuy je sois fortifié.

Ta justice t’en prie, et les autheurs du crime

Sont fils de ces bourreaux qui t’ont crucifié."

François de Malherbe






Mais tout le reste de sa poésie est l'œuvre dédiée à la grandeur du Roi : odes, stances, sonnets sont écrits avec éloquence et rigueur et les thèmes de la mort, de la paix, de la sagesse intellectuelle sont repris et formulés stricto sensu même quand il console ses amis.


Extrait du plus célèbre de ses poèmes :





La consolation à Du Perier sur la mort de sa fille


La Mort a des rigueurs à nulle autre pareilles :

On a beau la prier ;

La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles,

Et nous laisse crier.

 

Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre,

Est sujet à ses lois ;

Et la garde qui veille aux barrières du Louvre

N'en défend point nos rois.

 

De murmurer contre elle et perdre patience

Il est mal à propos ;

Vouloir ce que Dieu veut est la seule science

Qui nous met en repos.

 François de Malherbe,1599


Il est à l'origine de l'ode française avec les caractères qu'elle conserve jusqu'au 19ème siècle.

On le dit " arrangeur de syllabes " comme on parlerait d'un poseur de tuiles. C'est qu'on relève le fait que pour Malherbe, le poète est un artisan. Et si Malherbe a pu imposer ses conceptions, c'est qu'elles correspondaient aux usages et préférences de son époque et que le classicisme tient ses origines de Malherbe.

Seul le sonnet à son fils préfigure une brèche parce que Malherbe, en se laissant envahir par sa sensibilité et par une pointe de lyrisme, rare chez un homme qui a toujours refusé de montrer son âme, va mourir quelques mois après son fils sans savoir qu'une autre époque viendra donner au vertueux classique ce qui lui manquait de spontanéité et de grâce.


1602 ou 1603. Jean Rabel peintre, sur un livre de fleurs qu'il avait peintes

 

Quelques louanges non pareilles

Qu'ait Appelle encore aujourd'hui,

Cet ouvrage plein de merveilles

Met Rabel au-dessus de lui.

 

L'art y surmonte la nature :

Et si mon jugement n'est vain,

Flore lui conduisait la main

Quand il faisait cette peinture.

 

Certes il a privé mes yeux

De l'objet qu'ils aiment le mieux,

N'y mettant point de marguerite :

 

Mais pouvait-il être ignorant

Qu'une fleur de tant de mérite

Aurait terni le demeurant ?

 

François de Malherbe.


La doctrine de Malherbe a permis à la langue française de s'imposer comme langue unique, pure, lavée des apports que ses différences géographiques lui ont apportées, les supports, les importations des mots, les travaux hardis sur les mots, les néologismes, les mots étrangers, Malherbe fait table rase et sort une langue pure, accessible à tous et qu'une certaine distinction venue de la fréquentation de la cour du roi réserve comme harmonie et noblesse au ton employé. Pour ne pas créer de nouveaux mots, Malherbe choisit de se suffire des mots existants.

Il donne un ordre à la langue, une assise décisive pour les siècles à venir.


" Enfin Malherbe vint, et, le premier en France,

Fit sentir dans les vers une juste cadence,

D’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir,

Et réduisit la muse aux règles du devoir.

Par ce sage écrivain la langue réparée.

N'offrit plus rien de rude à l'oreille épurée."


   Ecrit Boileau dans son "Art poétique"


Ginette Flora

Août 2024


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2 Comments


Je l'ai étudié Malherbe et il m'a un rien ennuyée quand j'étais jeune et là, magie de Ginette, tu me le rends humain et je découvre autre chose qui me plaît ... vraiment ! Merci à Toi ❤️

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Quand on lit les classiques, on se rend compte qu’il faut les lire à plusieurs moments de notre vie pour comprendre ce qui reste et ce qu ’on découvre à mesure qu’on les connaît !

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