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L'asphodèle sauvage, à la vie à la mort


© images Terres de femmes - l'asphodèle


L’asphodèle, à la vie à la mort

 

L’asphodèle blanc intrigue par la blancheur de ses fleurs aux six pétales traversés en son milieu d’une ligne rougeâtre et portant six longues étamines. Sa haute silhouette dépouillée, au port simple et résistant, s’étire sur plus d’un mètre. L’asphodèle surprend aussi par la particularité  de sa  floraison. Il ne fleurit qu’une année sur deux.  

On le rencontre dans les garrigues, sur les Causses. Le Languedoc le connaît bien.

S’il représente le signe de la mort, il est aussi le signe de la renaissance. Ce double symbolisme qu’il endosse  avec  calme et assurance offre un singulier contraste qui force l’intérêt qu’il suscite quand on le voit surgir au milieu des prairies et des garrigues en moyenne montagne.  


Les croyances grecques


Pour les Grecs, l’asphodèle est le gage possible de rejoindre un endroit plus serein que celui des Enfers. Il est un champ d’asphodèles, disent Hadès et Perséphone, les divinités des Enfers qui reçoivent les morts, où les asphodèles  font rêver les morts à un possible paradis qu’ils pourraient découvrir et habiter. Au-delà de l’Achéron, le fleuve des Enfers, il existe une prairie d’asphodèles où passe le fleuve de l’oubli. Homère en parle dans l’Odyssée.

« Passé le rocher blanc, les portes du soleil et du pays des rêves, ils eurent vite atteint la prairie d’asphodèles où habitent les ombres. »

Dans la mythologie grecque, les Enfers s’étagent sur trois niveaux :

-   Les Champs élyséens  qui incarnent le paradis des âmes.

-  La plaine d’asphodèles qui est une sorte de purgatoire où les purifications des âmes doivent se faire en mangeant les racines des asphodèles.

-    et le Tartare, le lieu où sont enfermés les plus dangereux des morts.


De ce mythe découle le rituel traditionnel de fleurir les tombes d’un bouquet d’asphodèles en souvenir des êtres qui sont partis, au regret de les avoir perdus et à l’espoir qu’ils  revivront en paix dans leur nouvelle vie. L’asphodèle symbolise le voyage vers la mort, non pas un voyage sans retour mais un voyage qui leur donne la possibilité de revenir.

Mort et renaissance, blanc comme la croyance en l’immortalité, la symbolique de l’asphodèle est un étrange voyage dans le temps.


 De nos jours


On est nettement plus prosaïque.  Certes, on lui concède une vertu surnaturelle  car c’est une plante pyrophyte. Les tubercules bien enfoncés sur plus de deux mètres dans le sol survivent aux incendies et ne craignent pas de repousser sur un sol enrichi de cendres. C’est une plante qui, par sa capacité à survivre, évoque la résurrection dans la culture des  civilisations chrétiennes d’autant qu’elle fleurit aux abords des fêtes de la résurrection, à Pâques.

La plante conserve dans le package de sa symbolique un élément d’éternité, cérémonial funèbre mais aussi électron libre pour incarner les promesses de paix et de réconciliation.

C’est une plante qui porte une riche connotation divine. C’est un trait d’union entre l’humain et le divin et pour le cercle des initiés  aux frissons invisibles, c’est une fleur qui permet le rapprochement entre les esprits égarés.


Les écrivains et l’asphodèle


Les asphodèles par leur taille, leur blanche floraison et leur étendue suscitent de fréquentes interprétations.


Victor Hugo cite souvent les asphodèles.

Dans Prières – chapitre VII

«  Jasmin ! Asphodèle !

Encensoirs flottants !

Branche verte et frêle

Où fait l’hirondelle

 Son nid au printemps. »


Dans La légende des siècles (1859) «  Booz endormi » basé sur le récit biblique du livre de Ruth.


Booz ne savait point qu'une femme était là.
Et Ruth ne savait point ce que Dieu voulait d'elle.
Un frais parfum sortait des touffes d'asphodèles.
Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala. ....Booz endormi, de V. Hugo 1802-1885

Marie Laforêt évoque l’asphodèle comme une plante qui ne la détournera pas du lien qu’elle a su créer sur terre. Si la garrigue, c’est aller vers les asphodèles, entendre pépier les hirondelles, humer l’odeur des sous-bois et sentir l’humus après la pluie, le pétrichor, rien ne lui fera oublier le parfum du lien planté sur terre.


Je ne sais plus parler aux hirondelles
Je ne sais plus rien de l'odeur des sous-bois
Je ne vais plus cueillir les asphodèles
Mon ciel et ma terre, c'est toi (Extrait de la chanson du compositeur--- )

Les arts cinématographiques ont également repris le symbole de la plante qui possède aussi des vertus thérapeutiques dont ont grandement loué les Anciens qui guérissaient de nombreuses affections avec la racine des tubéreuses.


De  l’asphodèle, tout n’est pas dit encore. Plus on cherche à  déverrouiller les portes  de ses bourgeons, plus on reste sur notre faim.

Pour résumer s’il est possible de le faire, on peut dire que c’est la plante qui fleurit en Avril, au printemps et qui disparaît en été !

C’est la plante  qui surgit des cendres, tel un phénix !

C’est la fleur de Pâques, symbole de la résurrection.

C’est la plante sauvage qui couvre les champs où reposent les âmes dans l’attente d’une possible entrée au Mont Olympe. 

L’asphodèle est chanté,  est évoqué dans les récits et les poésies. Il  vous retient à la vie et  vous laisse  aussi descendre sous terre pour connaître l’autre territoire.

William Carlos Williams est un poète américain, (1883-1963); médecin, écrivain. Il annonce la poésie moderne, américaine en opposition à la culture traditionnelle anglaise. Peu connu, il est cependant le précurseur de «  l’Ecole du modernisme ».

Son poème   "Asphodèle " le fait sortir de l’ombre.  

 Asphodèle, livre 1 – Extrait 

Laisse-moi le temps, le temps.

Quand j’étais petit garçon

Je conservais un livre dans lequel de temps à autre,

Je pressais des fleurs jusqu’au jour

Où j’eus une belle collection.

 

L’asphodèle, comme un présage, en faisait partie.

Je t’apporte, ressuscité, un souvenir de ces fleurs.

Elles étaient suaves quand je les pressais

Et conservaient longtemps leur senteur.

 

C’est un parfum curieux, un parfum moral

Qui m’amène auprès de toi.

La couleur disparut la première.

Je dus relever un défi

Ta chère personne, moi, simple mortel

Gorge de lys à l’oiseau-mouche !

 

Une richesse infinie, pensai-je

Me tendait les bras.

Un millier de thèmes dans  une fleur de pommier

La terre  en sa prodigalité ne nous refusait rien

Le monde entier devint mon jardin …

Editions Points, 2007

William Carlos Williams, traduit de l’anglais (USA), extrait.

 

Une chronique de Ginette Flora

Avril 2025

2 comentarios


nicole.loth
nicole.loth
il y a 2 jours

Que voilà une fleur étonante que je ne connaissais pas. Elle me mêne au temps d'Homère et de l'Odyssée à nos jours. Encore une belle découverte.

Merci à toi Ginette pour cette chronique.

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Ginette Flora Amouma
Ginette Flora Amouma
il y a 2 jours
Contestando a

Merci beaucoup, Nicole.

Il y a sur terre autant de fleurs et de plantes qu'l y a d 'humains !!

Je ne cesse d'en être émerveillée !

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