Rabindranath Tagore, le poète du Bengale

Tagore, est un poète indien du 20ème siècle, né au Bengale en 1861 et décédé en 1941. Il se fait connaître en Europe grâce à la traduction que fait André Gide de son œuvre maîtresse " L'offrande lyrique " pour laquelle il reçoit le prix Nobel de littérature Année 1913.

Outre son recueil de poésies " L'offrande lyrique ou le Gitanjali ", l'écrivain laisse une production variée et prolifique. Ses oeuvres englobent un nombre incroyable de poèmes, de chants et de contes, de romans et d'oeuvres dramatiques.

Essais et nouvelles traitent des sujets les plus variés, l'auteur étant à la croisée des deux mondes, l'ancien qui résiste et le nouveau qui se met en place.

Il était aussi musicien et même peintre quand il s'adonne à la peinture à l'âge de 67 ans en produisant pendant une dizaine d'années un grand nombre de tableaux. Il a exposé toute la conception qu'il avait de la peinture dans un livre : " Le Sadanga ou les dix canons de la peinture hindoue "

De lui, on s'arrête à sa poésie, à l'aspect le plus éblouissant de son écriture et on se souvient du penseur qui avoue dans ses poèmes sa grande confiance en l'homme, en la vie et en l'humanité.

" Ceci est mon délice d'attendre et d'épier ainsi sur le bord de la route où l'ombre poursuit la lumière et où la pluie vient sur les traces de l'été. Des messagers avec des nouvelles d'autres cieux me saluent et se hâtent le long de la route.. Mon coeur exulte au dedans de moi et l'haleine de la brise qui passe est douce. De l'aube au crépuscule, je reste devant ma porte. Je sais que soudain l'heureux moment viendra où je verrai. Cependant, je souris et je chante, tout solitaire. Cependant l'air s'emplit du parfum de la promesse."

" J'ai reçu mon invitation pour le festival du monde et ainsi ma vie a été bénie. Mes yeux ont vu et mes oreilles ont entendu. C'était ma part à cette fête que de jouer de mon instrument et j'ai fait tout ce que j'ai pu. Maintenant, je le demande, le temps est-il venu enfin où je puisse entrer voir ta face et t'offrir ma salutation silencieuse ?

Il succombe à la peinture avec la même vivacité qu'il met à écrire. Il peint des paysages, des animaux, des créatures fantastiques, des scènes dramatiques et des visages où il fige une expression qu'il est parvenu à capter.

La peinture des paysages renvoie aux paysages de son enfance, lieu sacré où se sont fixées les premières images qui ont fait de lui le chantre du souvenir.

" Au petit matin, un bruissement a dit que nous allions nous embarquer, toi seulement et moi et qu'aucune âme au monde, jamais ne saurait rien de notre pèlerinage sans but et sans fin. Sur cet océan sans rivages, à ton muet sourire attentif, mes chants s'enfleraient en mélodies, libres comme les vagues, libres de l'entrave des paroles.

N'est-il pas temps encore ? Que reste-t-il à faire ici ? Vois, le soir est descendu sur la plage et dans la lumière défaillante, l'oiseau de mer revole vers son nid. N'est-il pas temps de lever l'ancre ? Que notre barque avec la dernière lueur du couchant s'évanouisse enfin dans la nuit ... "

En Inde, il est devenu le 'Poète" par excellence car avant tout, Tagore est un poète. Or tout poète, tout artiste est porteur d'un message spirituel. Poète en sanscrit se dit "Kavih" et littéralement on traduirait ce mot par " voyant ".

D'un artiste et d'un homme de lettres, on attend un message issu de sa fonction de "voyant". Puisqu'il a "vu" ce que les autres n'ont pas "vu", il doit enseigner aux autres la raison de son enchantement par le truchement d' un message spirituel.

Ainsi, Tagore fut emmené à expliquer ce qu'il a "vu" et "senti" dans un grand message philosophique intitulé " Le Sâdhana " qui se traduit par "Perfection".

Poète, voyant, philosophe, il a suivi un sentier jonché d'herbes rares, de plantes coriaces, de ronces stoïques qui lui ont fait comprendre que toute joie est possible car elle "est".

" Tu m'as fait infini, tel est ton plaisir. Ce frêle calice, tu l'épuises sans cesse et tu le remplis sans cesse à neuf de fraîche vie. Cette petite flûte de roseau, tu l'as emportée par les collines et les vallées et tu as soufflé au travers des mélodies éternellement neuves.

A l'immortel toucher de tes mains, mon coeur joyeux échappe à ses limites et se répand en ineffables épanchements. Tes dons infinis, je n'ai que mes étroites mains pour m'en saisir. Mais les âges passent et encore tu verses et toujours il reste de la place à remplir. "

Tagore musicien

On a remarqué le lyrisme débordant de ses poèmes. C'est en partie dû à ce qu'il est musicien et qu'il apporte des rythmes à ses poésies. Il est également chanteur, il a composé un chant pour illustrer son idéal de la poursuite de l'universalité, sa communion avec l'âme universelle, sa recherche de la vérité et sa vie spirituelle. Ce chant dont il a composé la musique et écrit les paroles est devenu l'hymne national de l'Inde : le "Jana Gana Mana " , c'est la première strophe d'un chant qu'il a composé en 1911. C'est un cantique, une prière qu'il fait au Maître de l'Univers, celui qui conduit l'humanité vers la marche universelle.

Voici les paroles d'une d'une de ses chansons :

" Mes chansons ressemblent aux herbes flottantes,

Impétueuses, inquiètes, tremblantes

Elles vont s'égarant sur les eaux

Pourquoi viennent-elles, pourquoi s'en vont-elles

Balancées au vent capricieux ?

Elles ne laissent pas de traces derrière elles

et ne recueillent pas de fruit mais viennent sans effort

Sans fin et sans chaîne, indifférentes aux choses de ce monde

Elles naissent et meurent, flottantes au courant de l'oubli."

Tagore romancier, conteur, dramaturge, homme du peuple.

Il a également écrit beaucoup de pièces de théâtre, des nouvelles et des romans parmi lesquels "GORA" dont le thème essentiel est le problème des castes.

Il a joué dans le domaine économique le rôle d'un pionnier et a ouvert à l'Inde et au monde de nouvelles perspectives sociales. Ce sont les aspects les moins connus de son génie car ses importants écrits dans ce domaine n'ont jamais été rassemblés ni traduits.

Dans le domaine éducatif, il insiste sur la place à donner à l'enseignement de la perception de la nature. Il crée l'université internationale de Visva Bharati où la combinaison des valeurs de l'Orient et de l'Occident pourrait aboutir à une perspective universelle et humaine basée sur la foi en l'homme.

Dans le domaine économique, il n'a cessé de démontrer que réduire le fossé entre villes et campagnes donnerait un nouvel élan à l'agriculture indienne.

En matière de vie politique, il prônait un état fédéral décentralisé pour que chaque région résolve ses propres difficultés spécifiques.

Il n'était pas un politicien mais le spectacle des souffrances du peuple indien l'a souvent entraîné à prendre le taureau par les cornes.

Son nom dépasse les sphères de la vie littéraire et les cinéastes se sont inspirés de ses oeuvres pour produire des films.

Satyajit Ray produit en 1961 une rétrospective de la vie de Tagore. C'est à mi-chemin entre un film, un documentaire et qui s'appuient sur des documents d'archives. Des épisodes romancés accompagnent le rappel du parcours de l'écrivain.

" Je me compare au lambeau de nuage qui dans le ciel d'automne erre inutilement. Ô mon soleil éternellement glorieux ! A ton coucher, ne s'est pas encore dissoute ma brume de sorte que je ne fasse plus qu'un avec ta lumière !

Ainsi je vais, comptant les mois et les années où je suis séparé de toi.

Si tel est ton désir et si tel est ton jeu, empare-toi de mon inconsistance fugitive, orne-la de couleurs. Que l'or la dore ! Que sur le vent lascif elle navigue et s'épande en miracles changeants !

Puis de nouveau, si tel est ton désir de cesser ce jeu à la nuit, je fondrai et je disparaîtrai dans l'ombre ou peut-être dans un sourire du matin blanc, dans la fraîcheur de cette pureté transparente." ( L'offrande lyrique )

Ginette Flora

Juillet 2024