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La page de Colette Alice

Dernière mise à jour : 3 mars



L'oubliée du surréalisme

   Lise Deharme

                                                  1898-1980

 


 

 

                                        Romancière, salonnière, poétesse du milieu du 20e siècle,

                                     on l'appelait la "Dame de pique" à cause de ses avis tranchés.

 

Née en 1898 à Paris, Lise Deharme grandit dans une famille bourgeoise. Passionnée de littérature, elle découvre Charles Baudelaire, Oscar Wilde mais aussi les contes de fées de Madame d'Aulnoy, une pionnière dans le genre. Lise ne colle pas vraiment à l'image de la fille de bonne famille. Elle traîne dans les puces parisiennes et fréquente les cercles artistiques de la capitale.

 

En 1924, à la sortie d'un théâtre, elle rencontre André Breton qui tombe sous son charme. C'est une femme qui synthétise pour lui tout ce qu'il attend du surréalisme : elle est étrange, elle parle fort, elle ne se comporte pas comme il faut, elle n'a pas les mœurs bourgeoises qu'elle devrait avoir, alors qu'elle est une grande bourgeoise. Elle n'est absolument jamais là où on l'attend et il en est fasciné. Il lui propose de venir visiter la Centrale du Surréalisme, le refuge des artistes du mouvement. "J'avais des gants bleus, maintenant ça paraît banal mais à l'époque, des gants bleu ciel, il n'y en avait pas,", se rappelle Lise Deharme dans une interview en 1974. "Et il me dit : Madame, est-ce que vous me feriez le grand honneur de bien vouloir nous donner peut-être un gant pour le mettre au mur, ce sera le symbole de la révolution surréaliste."

De son côté André Breton donne sa version : « Je me souviens aussi de la suggestion en manière de jeu faite un jour à une dame, devant moi, d'offrir à la “Centrale Surréaliste”, un des étonnants gants bleu ciel qu'elle portait pour nous faire visite à cette “Centrale”, de ma panique quand je la vis sur le point d'y consentir, des supplications que je lui adressai pour qu'elle n'en fît rien. Je ne sais ce qu'alors il put y avoir pour moi de redoutablement, de merveilleusement décisif dans la pensée de ce gant quittant pour toujours cette main.»

 


 

 Moulage en bronze à patine brune - Circa 1900

 

                                                                                                                                                

Ce gant est présenté sur la couverture de Nadja d'André Breton, dans lequel il mentionne cette rencontre avec Lise Deharme. Cette dernière entretient avec son complice et ami une relation complexe et fusionnelle tout au long de leurs vies. "Tout était merveilleux. Je crois que jamais de ma vie, je ne rencontrerai, et que personne ne rencontrera Breton. Il y a eu Breton dans notre siècle, je ne suis pas sûre qu'il y en ait un autre", confie-t-elle dans la même interview de 1974.

Sorte de vigie du mouvement surréaliste, Lise Deharme reçoit ses amis artistes. Elle organise des soirées chez elle où ils débattent autour des bons vins et de bons petits plats. Elle réfute le terme  "Salonnière" : "Je n'ai pas une activité de salon, juste j'ouvre la porte à mes copains". À sa table, on retrouve : André Breton, Marie-Laure de Noailles, Max Ernst, Paul et Nush Eluard, Dora Maar et Picasso.  Plus qu’un mécène et égérie du surréalisme, Lise Deharme apporte sa conception de l'art en mouvement.

 

En 1933, elle est la directrice de rédaction du Phare de Neuilly, revue surréaliste qui publie des textes poétiques et littéraires, aussi bien que des articles ayant trait à la société et à la politique. Autour d'elle se constitue un cénacle où se croisent, outre des poètes et des écrivains, des personnalités comme Max Ernst, Salvador Dali, Pablo Picasso, et Jean-Louis Barrault.  Parallèlement, elle fait paraître elle-même des recueils de poèmes.

Durant l'Occupation, elle rejoint le Comité national des écrivains lancé par Paul Eluard, où se retrouvent, entre autres, Louis Aragon et Elsa Triolet, Michel Leiris, Jean Paulhan, Jean Tardieu et Vercors. Elle participe également à la publication en 1943 de "L'Honneur des poètes", publication clandestine dans le cadre de la Résistance (Éditions de Minuit).

Entre 1949 et 1976, elle écrit une vingtaine de romans dont certains seront interdits à la vente aux mineurs, comme "Oh, Violette" (1969) au contenu tellement choquant qu'il est refusé, à sa sortie,  par le Ministère de la censure. Mais tout en laissant une grande part à l'érotisme et aux femmes dans ses textes, elle n’abandonne pas pour autant son intérêt pour le merveilleux et la poésie. 

Ses relations difficiles avec ses trois enfants et la perte de nombreux artistes l'isolent jusqu'à sa mort en janvier 1980, à l'âge de 81 ans. 

Toute sa vie aura été traversée par une pensée qu'elle formulait sous différentes formes, comme cette citation que l'on peut lire dans un de ses romans, l'Enchanteur publié en 1964:


"Lorsque nous nous quitterons, vous pourrez dire que vous ne m'avez jamais rencontrée."

Ses cendres, déposées au crématorium-columbarium du Père Lachaise, ont disparu.


Colette Alice

Mars 2024

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4 Comments


Encore un portrait magnifique, mon Alice, dans un mouvement que j'aimmmme trop ... alors découvrir cette femme au gant bleu...mais j'ai adoré et je ne savais pas tout cela ! Merci à toi.... sous tes mots, des univers qui explosent de secrets et quel partage superbe ! Bises jolies vers toi !❤️

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Quel beau commentaire, ma Brocéliande ! Tu sais, parfois je voudrais revenir à la fiction mais j'ai tant de femmes dans ma musette ! Bises 🌞 et 💓

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J'aime beaucoup le mouvement surréaliste et grâce à ce portrait (ils sont toujours impeccablement brossés), je m'en irai découvrir avec plaisir l'œuvre de Lise Deharme, qui désormais ne fera plus figure d'oubliée ! Bravo et grand merci pour ce nouveau partage, Colette ! ^^

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Ton commentaire me fait vraiment très plaisir, fidèle Fred ! Bon dimanche à toi.

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