Arpent de papier
Ma plume géomètre
Mesure chaque mot
Bataille intime
Chaque coup de ciseaux
Laisse des traces
Tissée de lumières
Chaque phrase me prend
Au dépourvu
Le bleu vient me cueillir
Sur l'horizon invisible
Où je me noie
**
Papillons de jour
Rivages éphémères
Pour une orgie de nectar
Papillons de nuit
Dans l'alcool d'un verre
Trouver l'oubli
Piège d'amour
Sur ton épaule
Je me suis posé
En ébullition
L'odeur d'un pré
Ton parfum chèvrefeuille
Mante d'un soir
Au matin disparue
Je me consume encore
**
Inventer le printemps
Pour fleurir chaque vie
D'un peu de douceur
Je fredonne à peau nue
Le blues des jours heureux
Pour la fraîcheur d'un pré
Pâquerettes et lychnis
Orchis au corps d'insecte
Embellissent l'instant
Inventer le printemps
Et le garder fécond
Jusqu'au bout de la vie
**
Empreintes
Gravé sur le papier
L'instant laisse des traces
Gouttes d'existence
Dans le fatras des jours
Un coup de gomme
Mon identité falsifiable
Débordant du cadre
S'envole et migre
Oiseau de nulle part
Qui signe l'air de tes ailes
Je partage avec toi
L'éphémère d'un passage
Dans le sillage des pluies
Mélancolie des nuages
Empreinte d'une larme
Sur mon papier jauni
**
Plouf
Grenouille à l'étang
Un haïku létal
Prend l'eau
Coa coa dit la bête
Cette hydre à trois têtes
Appelle au secours
Moi qui suis bonne poire
Sur mon tercet je rame
Pour finir son histoire
N'importe quoi bonhomme
Commente un pur nippon
Tu n'es qu'un vil crapaud
J'ai pendu ce faraud
À Montfaucon je crois
Avec François Villon
Mon poème torché
Je m'en vais déguster
Des cuisses persillées
**
Pleurer avec la pluie
Empreintes de la pluie
Gravées dans la source
Un nuage pleurait si fort
Que j'ai pleuré aussi
Mais ce qui coule ici
Murmure des cascades
Et me pousse au soleil
En quête d'arc-en-ciel
**
De sable d'îles et d'eau
Paysage tranquille
La Loire endormie
S'évapore sans bruit
L'été plombe le fleuve
D'une torpeur discrète
La pulpe d'un galet
Clapote sous la lune
À fleur de peau
Pétille sa chanson
**
Herbe de rien du tout
Que le vent turlupine
Graine contre graine
Se disperser
Sur la palette des sols
Trouver le bon humus
Plus tard
Par vent de pluie
Germer
Un monde en bleu
Qui pousse les nuages
Dans les premiers rayons
Oser la première feuille
Et pousser de la tige
**
Appât
Les mots
J'attends qu'ils mordent
J'ai écrit baiser
Pour appâter
L'amour peut-être
Ou la tendresse
Avec bras et caresses
Le temps s'immobilise
Mais qui me bouscule
Bisou papy
Bisou c'est bien aussi
Avec un S
C'est encore mieux
**
Un cerisier
Rouge d'envie
Boucles d'oreilles
Je n'étais pas encore un garçon
Enfance sous les arbres
Les prunes tachaient mon short
Et des pommes juteuses
Gonflaient mes joues
Saisons qui se mélangent
Je n'avais de la pêche
Aucun appétit
Avant d'y goûter
Pot de confiture
Ma langue trahissait
Les myrtilles gourmandes
D'un petit délit
Le cerisier
Branches hautes
Narguait mes envies
J'aurais bien croqué
Les cerises d'un livre
Adieu belles boucles
Effacées de l'image
**
Innocence première
Une pomme
Et puis basta
Plaisirs
Plaisir du vent
Houle des feuilles
Une colline cabotine
Rêve de mer
Porter de grands navires
Croiser Francis Hallé
Dans son vaisseau des cimes
Côtoyer les nuages
Plaisir pirate d'un orage
Mirages d'orchidées
Les feuilles comme un nid
Comme une manne
Gestes d'insectes
Aux trompes frémissantes
Mousse des canopées
Un oiseau immobile
Homme crie-t-il
Ce n'est que moi qui passe
Avec ma feuille blanche
Et son désir de vert
**
Dans le cadre du jour
Que découpe la porte
Arpent de bleu
Désir d'ailleurs
**
Terres rudes
Aux confins des sommets
Insolite mariage
Au son des phonolites
L'herbe et la roche
Épousent la montagne
Piéger la brume
Pour boire à la vie
**
Gaité de tes mains
Les fleurs s'ouvrent
Jaune pollen
Et ton sourire
Que tu répands
Sur la prairie
**
Poète halluciné
Assoiffé d'innocence
Écris l'aube première
Et les jours à l'envers
Creusent un nouvel éden
Où la lumière explose
Laisse ici ton ombre
Ce vêtement trop sombre
Tu n'en as plus besoin
Ah ce cœur exalté
Qui jamais plus n'hiberne
Vois comme il respire
Ici plus rien ne rouille
Et dans les sources vives
L'eau de jouvence coule
Écris l'enfant que tu étais
L'enfant que tu seras
Dans l'homme d'aujourd'hui
Marcel Faure / Septembre 2024
Magnifique, Marcel ... comme toujours ! Ne change rien !❤️
"Dans le cadre du jour
Que découpe la porte
Arpent de bleu
Désir d'ailleurs"