J'écris pour supporter la laideur des hommes
Je me cache derrière une étoile
Je me songe
J'écris
J'écris contre les massacres
Avec le sang des victimes
Avec le sel des larmes
Je paie ma dime à la souffrance
J'écris
J'écris pour la terre plumée comme un poulet
Pour conjurer les marées noires
Pour maudire les continents de plastique
Pour fustiger tant d'ignorance tant de désinvolture
Pour me maudire aussi
J'écris
J'écris parce qu'il n'y a aucune raison de se taire
Parce que se venger engendre la vengeance
Parce que je refuse de brandir un fusil
Parce que quand tout est perdu
Il me reste toujours la passion d'aimer
J'écris
J'écris pour une fleur
Pour un arbre
Pour une goutte d'eau
Pour le chant d'un oiseau
J'écris
**
Une étoile sur chevalet
Brillante d'un ailleurs
Parmi les soupirs du peintre
Spasmes de couleurs
Fondus dans le noir
Où l'artiste s'endort
Huile et térébenthine
Drôle de shoot
Pour des rêves suspects
Par la fenêtre ouverte
La mer balance sa marée
Que la lune aspire
Dans les bras d'une muse
S'abandonner à la nuit
Poudrée de lumignons
**
De la mer
Je ne sais rien
Mais je roule la métaphore
À l'heure des étoiles
Mon galet dans la vague
Qu'y puis-je si les embruns
M'enivrent plus que de raison
Elle me prend
Comme elle prend un bateau
Et me fait chavirer
À la lueur d'un livre
Submergé par les mots
Des vagues me défient
Promesses de sable
Qui me fouettent le sang
Marmaille en bouée
Méfiez-vous des marées
Citadelles des vents
Emportez-moi
Mes lèvres murmurent
L'insolence de l'eau
Qu'un phare pointe du doigt
**
Je suis israélien
Je suis palestinien aussi
Sang mêlé sous les bombes
Je suis le peuple des innocents
Des enfants et des femmes
Je suis homme sans terre
Je suis d'ailleurs toujours
Je suis de la terre aussi
Ma maison dans la ville
Mon carton dans la rue
Je suis d'ici partout
Au bord de la mer
Au bord de la rivière
Dans les plaines
Sur les pentes des monts
Je n'ai d'île que la terre
Et d'ailes que la paix
**
Alors la mer
Tu l'aimes toujours
Quand sa furie débarque
Et ravage les côtes
Cette maîtresse musclée
Qui trousse les bateaux
Et s'enivre gratis
Au bar de la plage
Quelle belle bagarre
Chaises et tables à l'envers
Et lessivage à grande eau
D'une vaisselle propre
La nuit court sur son aire
Dans le noir absolu
Et les pompiers pin pon
De Paimpol à Pornic
Alors la mer
Tu l'aimes toujours
Oui je l'avoue
Je l'aime encore
**
Frisson des marées
Sa peau de sel
Sirène des îles
Au bout du pont
Les yeux voyagent
À tire voile
Noyé dans les regrets
Et pris dans les filets
De la flottille des jours
L'horizon fait la planche
Les phares sont éteints
Son rêve aussi
**
Bateau rouillé
Qui sombre par morceau
Tempête après tempête
Sommeillant dans la crique
Il grince en sourdine
Et tangue sous le vent
Son petit bout de plage
Rumine des marées
Loin des pilleurs d'épaves
Son âme de pêcheur
Pleure des îles lointaines
Les soirs de lune triste
**
Sur des rires d'enfants
La mer étale les vacances
Sous les parasols
Insouciance des heures
Que la crème solaire
Tartine sur la plage
Vendues à la criée
Un panel de glaces
Fait l'unanimité
Des talents d'architecte
S'usent à recommencer
D'éternels châteaux
Cendres de souvenirs
Où sont les coquillages
De nos jeunes années
**
Berceau de sable
Éclaboussé d'écume
Des oiseaux de grand vent
Tissent des routes bleues
D'un coup de rêve
On croisait des nuages
Allongées sur la nuit
Des étoiles dormaient
Une lune cyclopéenne
Ouvrait son œil immense
Et dans le tiède été
La tiédeur de ton corps
**
Orphelins de l'amour
Le soleil séchait nos pleurs
Nous avions une poignée d'ans
Et nos ailes limées
Ne savaient plus voler
Tâtant de la vie
Sans jamais s'y jeter
Nous avions peur
Et puis un jour en mai
Ce grand coup de balai
Nous n'avions rien
Mais tout était possible
Nous avions soif
À tous les coins de rue
L'amour paradait
En robe de printemps
Ô ces belles idées
Montant aux barricades
Nous les avons aimées
**
Avis de tempête
Les tambours du ciel
Font danser les nuages
Souffle le vent souffle
Que sifflent mes fenêtres
Un arbre insensé
Passe en courant
Pas un chat pas un chien
Ne montre le museau
Le crépuscule craque
D'une pluie sans mesure
Le fleuve s'affranchit
Des contraintes humaines
Une beauté furieuse
Déverse sa colère
Les dieux ont mis de l'eau
Sur l'ivresse des jours
**
La mer appelle
En caressant le sable
D'un clapotis timide
À l'ombre des dunes
Elle rêve d'horizon
Un horizon solide
Elle élève sa vague
Quelques mètres parfois
Et s'affale épuisée
Ah remonter les fleuves
Elle n'est que creux et bosses
Dans l'attente d'un guide
Sa colère impatiente
Arrache une falaise
Pour se griser de rocs
Ô ce désir d'Annapurna
Tranchant le paysage
Comme proue d'un navire
Mais la marée s'ensable
S'épuise et se retire
Empochant des galets
Marcel Faure Mars 2024
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