Gaité de tes doigts
L'herbe se réveille
Les fleurs s'enflamment
Le jour tresse ses heures
Tes pieds nus sondent
La douceur du pré
L'ivresse de ton sourire
Bouscule quelques pétales
Dans l'odeur du printemps
L'herbe folle rature
Ton carnet à dessin
De longues tiges vertes
**
Un jour d'été
Un lézard émeutier
Squatte ma chaise longue
Un portique balance
Une paire de gambettes
Sous le toit un refuge
Caquette d'hirondelles
L'ombre se joue de moi
Il faut changer de place
Mirage à mes oreilles
Un murmure de Loire
Un chapeau sur le nez
Un livre sur le ventre
La chaleur de l'été
Écrase les collines
À la limite du soir
J'écris une oasis
Quelques fruits de saison
Un verre d'eau des glaçons
Je m'emmêle les mots
Il fait vraiment trop chaud
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Sur le radeau du lit
Somnolence tranquille
Je flotte dans ton rêve
Encore et encore
Dans la poussière bleue
Vertige de tes yeux
Ma cage dorée
Porte grande ouverte
Je pourrais m'échapper
Mais je reste
Encore et encore
**
Un oiseau passe la tête
Par la fenêtre
Son récit de ciel
La chambre est bleue
Il y pousse des fleurs
Sur le couvre-lit
Écoute
L'été raconte
Le farniente des jours
Une ondée bienvenue
Invite l'herbe
À reverdir
Une émeute d'insectes
Tourbillonne sans but
Et s'en va
**
Une horloge à rebours
Rembobine les heures
Me ramène à l'enfance
Lumière trop forte
Mes parents à contre-jour
Dessinent des ombres
Semelles d'écolier
L'homme à odeur de craie
Racle mon attention
Le voyage au tableau
Esquisse les contours
D'un hexagone vert
Je suis né quelque part
Au centre de la carte
Faudrait changer d'échelle
Des ombres m'envahissent
Je suis l'enfant secret
D'une saison perdue
Trop loin dans le passé
L'horloge ne sait plus
Où s'accrochent mes ans
**
Par la porte dérobée
Ma mémoire fout le camp
Vers des mots de papier
**
Chevelure de pluie
Au milieu des orages
Gouttes en banlieue du fleuve
**
Des lanternes rongent la nuit
L'ombre contrariée
Se noie sous les étoiles
De petits secrets s'éparpillent
Font le tour des oreilles
Questionnent nos caboches
Le temps se rembobine
La nuit à double-fond
S'ouvre à rebours
Et c'est le soir qui passe
Accrochant la lumière
Aux portes du couchant
**
Vent câlin
Soupir de fleur
Tendre frisson
Seule la feuille sait
La forme du baiser
Que multiplie la brise
Espoir céleste
Allégresse du pollen
Qui se disperse
Cherchant son destin
Parmi la multitude
La lumière tousse
La rumeur du ciel
Murmure des nuages
L'eau la vie les fruits
Et tout à coup ton visage
**
Vite écrire le pré
Tant que l'herbe frissonne
Avant qu'il ne soit brouté
Avant qu'il ne soit fauché
Vite écrire le pré
Pendant que le vent s'amuse
À le faire vague
Quand les verts se mélangent
Vite écrire le pré
Pour ce brin d'herbe
Entre les dents
Pour la fraîcheur du printemps
Vite écrire le pré
Avant que le soleil
Ne le transforme en paille
Au plus fort de l'été
Vite écrire le pré
Ses senteurs dans la grange
Où grésillent encore
Les graines et les fleurs
Vite écrire le pré
Avant qu'il ne soit blanc
Et que l'hiver s'abandonne
À la valse des flocons
Vite écrire le pré
Avant qu'un laboureur
N'ouvre la terre
À de nouvelles saisons
**
J'ai remplacé le point à la ligne par un hameçon, plus un bon ver de terre, la pêche est plus nourrissante pour un poète que de publier.
**
Heureux qui …
Du rebord de fenêtre à la chaise qui tremble
Heureux qui comme … voyage dans sa chambre
Pendant qu'au feu de gaz Pénélope cuisine
Des odeurs inconnues taquinent mes narines
De lointaines denrées débarquent du marché
Pardonnez Joaquim mes pages arrachées
Mes papilles alléchées me font le verbe mou
J'irai par le couloir me damner jusqu'au cou
Où sur d'autres chemins sous des lunes d'asphalte
Partir à l'aventure trouver les pays baltes
Vers des cercles où le froid blanchit le paysage
Tronquer troubler troquer quelques mots de passage
Dans ma pauvre maison à l'espace si clos
De livres de cuisine je vais faire mon lot
Aller d'un pied bancal satisfaire mon palais
Peu soucieux de la rime ripailler d'un bon met
J'exilerai mon ventre vers d'autres doux délices
Poursuivant des senteurs et des routes d'épice
Vers tant d'autres pays et leurs îles de sauce
Pour la belle aventure dont ici je me gosse
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Indicible
Matin lavé de pluie
L'air sèche doucement
Un souffle d'odeurs neuves
Traverse les collines
Le ciel gorgé de lumière
Écume un reste de nuage
Hissées au plus haut de l'azur
D'étranges géométries d'ailes
Suspendent le soleil
C'est un moment intime
Où le corps s'abandonne
À la précision de l'infime
Ce que murmurent les ramures
Lui seul l'entend
Et le comprend
Enfin
Vite
Écrire
Mais quoi
**
Méditation
Indispensable au silence
La ville inquiétante
Gronde en bruit de fond
Immobile il s'abrite
Dans sa bulle de pensées
Son temple de chair et d'os
Merveilles de l'absence
Que le geste surprend
D'un calligramme
D'un signe ample
L'âme se libère
D'un millier de tensions
Petite flamme immergée
Dans l'océan des mondes
Qui s'entrechoquent
La ville se disperse
Un rideau se soulève
Sur l'infini
**
Marcel Faure
Novembre 2024
magnifique Marcel ! Tout est beau !❤️