Toutes les civilisations tendent vers le Beau, le Vrai, le Bien. Dans toutes les cultures l’humain est à la quête d’une présence spirituelle séparée de lui et pourtant présente en lui. La soif de l’absolu, le désir qui le tenaille de comprendre cette quête, l’attente qui en résulte d’assouvir cette nourriture abstraite peut être observée dans toutes les civilisations depuis la Préhistoire.
C’est par le cri d’abord puis par le chant lui-même porteur d’un accès à l’approche de l’absolu que les cultures ont cherché à se rassasier.
Les premiers hommes
A l’origine, les hommes de la préhistoire n’ignorent pas « la chose ». Le son que délivre un coquillage est la conscience que la musique est un lieu où la pensée s’installe. Le pépiement de l’oiseau, le cri de l’animal ressemblent à leurs souffles.
Quand ils découvrent la conque, puis le flux musical échappé d’un roseau percé, le son est alors devenu une raison de vivre.
Les premiers instruments, coquillages, morceaux de bois, pierres délivrent le « do ».
Ainsi les trois familles des instruments sont déjà positionnées :
- La familles à cordes ( harpe )
- La famille des vents ( la flûte et ses dérivés )
- Les percussions ( le xylophone des pierres qui alignées forment une tablette de touches que l’on fait résonner avec une badine.
Ces premiers supports ont servi à produire les premiers sons musicaux organisés qui avaient une fonction sacrée.
Les groupements humains intègrent la musique dans leurs travaux comme étant une science à part entière et commencent ainsi à chanter les louanges de Dieu, résultante des mythes et des cultes qui régissent leur société.
De la même manière, les grandes civilisations développent leur propre mode musical avec des feulements qui comportent des éléments de similitude quand il s’agit de la musique sacrée, celle qui accompagne leurs rituels.
La pensée humaine n’ignore pas la «chose » spirituelle qui mord l’esprit, rappelle à son souvenir et pour le faire, trouve un langage à formuler ce cri qui devient « Chant ».
Le premier cri de l’humanité sacralise la musique spirituelle.
« Rendre aux hommes une signification spirituelle. Faire pleuvoir sur eux quelque chose qui ressemble à un chant grégorien », dit St Exupéry
C’est ainsi que le chant spirituel et le chant liturgique et sacré se complètent pour une harmonie du corps et de l’âme.
La tradition judéo-chrétienne
La civilisation judéo-chrétienne a beaucoup hérité des premiers chants hébraïques et les a intégrés à sa liturgie.
Le livre des psaumes appelé aussi " Le rouleau des louanges " de la tradition hébraïque qui sont au nombre de 150, inspirent le registre musical classique du chant grégorien.
C’est le chant grégorien d’un compositeur anonyme, chanté a cappella en latin qui cristallise la dimension sacrée du chant dans sa connexion avec Dieu et le spirituel. Le mot religieux est le terme adopté pour définir l’homme et son lien avec les origines.
L’époque baroque a fait du chant grégorien un art sacré porté par Bach, Schutz, Vivaldi, Couperin pour ne citer que les plus grands qui ont suivi la structure codifiée du chant grégorien : le contrepoint, la basse continue et le souci de l'harmonie. L'orgue, l'harmonium le piano sont les instruments attachés à cette tradition.
Le psaume 104 loue les bienfaits du Créateur, chanté en hébreu ancien ( est-ce de l’araméen? ). Mise en musique moderne.
- Psaume 104 en hébreu ancien ברכי נפשי את ה' - תהלים קד
«...Il a fait la lune pour fixer les fêtes, et le soleil qui sait l’heure de son coucher...»
Ensemble Yamma
Le psaume 23 en hébreu dans sa version moderne
Un chant grégorien par Heinrich Schütz
Le Veda et la civilisation indienne
Au même moment, la civilisation indienne scande ses mantras à travers les Vedas et le chant sacré.
Les mantras sont rédigés en sanskrit et sont les plus anciens chants de l’Inde. Le plus connu d’entre eux est le GAYATRI, tiré du Rig-Veda, un des textes sacrés de la civilisation indienne. Il dure presqu’une demi-heure.
Je poste un mantra plus court, tout aussi connu, le OM SHANTI
Un mantra très connu, shanti voulant dire " la paix"
Les textes védiques ont été composés par les Aryens il y a plus de 3000 ans et sont considérés comme la source sacrée de leur religion. Ils représentent la tradition la plus ancienne existant en langue indo-européenne encore vivante aujourd’hui à travers l’hindouisme, le brahmanisme et autres cultes qui ont servi de boutures sur le matériau initial.
Classé par l’Unesco en 2003 comme faisant partie du patrimoine culturel de l’humanité, le Veda et son chant védique le plus ancien, ont été élaborés par les anciens peuples des plaines de l’Indus et repris par l’hindouisme de l’Inde actuelle mais il est judicieux de ne pas confondre le védisme des temps anciens avec ce qui a bourgeonné comme rameaux sur l’arbre originel qui n’a pas bougé depuis des temps immémoriaux.
L’un de ces textes, le Rig Veda est un corpus d’hymnes sacrés écrits en sanscrit védique.
Les Vedas sont un ensemble de textes, de poésie et de mythes qui étaient chantés dans les rituels sacrés des communautés védiques des premiers temps dans une langue védique issue du fondement classique des cultes.
Les écoles védiques survivent difficilement quand on s’aperçoit que sur les mille branches des écoles védiques, seuls 13 instituts résistent encore.
Leur valeur poétique est tout entière contenue dans la richesse du vocabulaire et l’originalité de l’expression au service d’une pensée qui se veut planétaire.
Monotonie assurée des mille cantiques qui célèbrent les vertus des dieux. Reprise et scansion ininterrompue des versets. Mais c’est ainsi que les prêtres de jadis ont maintenu la transmission des textes, de la musique et de la ferveur religieuse.
La musique sacrée islamique
Le mot musique sacrée n'existe pas dans les cultures musulmanes. Deux confréries s'opposent sur la signification à donner sur le mot musique. Autant les confréries soufistes l'intègrent dans leurs dévotions, autant les branches sunnistes peinent à l'accepter.
On retiendra la place donnée aux "anasheed " où les voix remplacent les instruments.
"Les cantillations" sont des déclamations comme les appels à la prière. et les "nat Kwan" sont des chants a cappella.
Les branches soufistes développent une musique sacrée et ont une vision différente de "la chose sacrée." Les chants soufis illustrent la richesse de la tradition musicale musulmane.
La musique bouddhique - Chine - Tibet
Cette musique tient-elle du sacré ou d'une exigence intellectuelle ?
En lisant les exégèses sur la question, on reste méditatif, pensif et l'on s'interroge.
Et voici le fameux Om mani padme hum de la liturgie tibétaine que certains pays comme la Mongolie reprennent également dans leur culte bouddhique.
D'autres musiques tiennent du sacré, les musiques afro- américaines et caribéennes.
Le monde est grand, les hommes se rassemblent en sociétés, d'anciennes tribus ont laissé des vestiges et leurs voix ont crié. Elles résonnent encore pour former une symphonie, douloureuse. Parfois c'est la voix de la plénitude qui subsiste et revient hanter les esprits.
Le sacré, n'est-ce pas la résistance à toute forme d'oppression, la voix résultante de l'attachement sincère à une vie dénuée de toute souffrance ?
Un livre peut nous éclairer beaucoup sur ce sujet :
" Le grand livre des musiques sacrées du monde "de Gérard Kurkdjian
( Ed. Albin Michel )
Novembre 2024
Chronique de Ginette Flora
Un grand merci, Ginette, pour le magnifique programme que tu nous offres dans ces pages. Je retiens cette phrase de St Exupéry ; "Rendre aux hommes une signification spirituelle. Faire pleuvoir sur eux quelque chose qui resemble à un chant grégorien".
Bonne journée 🌞
Tu m'émerveilles, Ginette...encore un magnifique voyage au creux de tes mots ... Merci de toi pour toutes ces découvertes, ces richesses qui finalement, justifient en grand, la vie :❤️