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Le "Winterreise" de Franz Schubert


Franz Schubert est un compositeur autrichien.

Il a particulièrement marqué la musique romantique allemande par les compositions

de lieds imprégnés de tristesse et d'amertume où la désespérance dirige tout le cycle des 24 lieder du Winterreise.

La tonalité mineure domine tout le voyage d'hiver, pièce pour piano et voix.

Composé vers la fin de sa vie, en 1827, un an avant sa mort, Schubert met en musique des poèmes de Wilhelm Müller, un poète accablé par la mélancolie et dont Schubert se sentait proche. Le voyage d'hiver aspire au silence monacal voire sépulcral.

D'aucuns disent que ce sont des " Confessions musicales ".

C'est un cycle qui bouleverse l'histoire de la musique où, avant Schumann, le chant accompagné d'un instrument inaugure le genre. le Winterreise est marqué par le rythme des pas du voyageur, le Wanderer, en quête d'une âme et poursuivant un ailleurs jamais atteint.

C'est l'œuvre la plus triste du compositeur. Malade, seul, angoissé, il affronte le voyage d'hiver sans illusion pendant que dans les salons et dans le monde, on ne parle que de Beethoven, celui qu'il aurait aimé rencontré, celui à qui il aurait voulu faire entendre sa musique, celui qui mourra juste avant lui sans que la rencontre entre les deux musiciens eût pu se faire.

Les douze premiers lieds expliquent son désarroi d'avoir connu les sentiments de rejet, de désolation, d'avoir souffert et de rester sur une terre aride qu'il pianote sur vingt-quatre lieder comme entraîné dans un voyage inexorable.

La deuxième partie est plus tournée vers des interrogations spirituelles d'où les parties immobiles, en suspens où le musicien se tourne vers lui-même et se juge sans concession. Le cycle se termine sur le dernier lied, le chant de la mort, "Le leiermann".

On appelle " les lieder de Schubert ", les vingt quatre stations de son chemin de croix.

C'est une des oeuvres les plus sombres de l'humanité, un sommet du lied romantique.

Plusieurs oeuvres de Schubert ont été interprétées lors du traditionnel concert du Nouvel An de Vienne.

En 1978, c'est l'ouverture en do majeur op post 170 D591 qui fut interprétée.

En 1991, c'est "un galop" et " 8 écossaises" tirés de l'opus 49 D 735 qui furent jouées.




Gute Nacht (Bonne nuit)

Étranger je suis arrivé,

Étranger je repars.

Le mois de mai

M’avait bercé de maints bouquets de fleurs.


La jeune fille parlait d’amour,

La mère même de mariage,

Aujourd’hui le monde est si gris,

Le chemin recouvert de neige.


De mon départ en voyage

Je ne peux choisir le moment,

Je dois moi-même trouver le chemin

En cette obscurité.


Une ombre lunaire me suit

Comme mon compagnon,

Et sur le blanc manteau

Je cherche les traces d’animaux.


Pourquoi devrais-je attendre encore

Que l’on me mette dehors ?

Laissez les chiens fous hurler

Devant la maison de leurs maîtres.


L’amour aime à cheminer -

Dieu l’a ainsi fait -

De l’un à l’autre.

Douce bien-aimée, bonne nuit !


En tes rêves je ne te dérangerai point,

Ce serait dommage, en ton repos,

Tu ne devrais pas entendre mes pas,

Doucement, doucement, les portes sont fermées !


En passant, je t'écris

"Bonne nuit" sur le portail,

Pour que tu puisses voir,

Que j’ai pensé à toi. Paroles du "Gute Nacht" de Schubert









Quelques lieder représentatifs du Winterreise ( un lied est un poème germanique chanté par une voix accompagnée par un piano ou un ensemble instrumental )

Gute Nacht (Bonne nuit)

Der lindenbaum (Le tilleul)

Der sturmische morgen (Aube tempétueuse)

Der leiermann (Le joueur de vielle)

Einsamkeit ( Solitude )


Le voyage d'hiver est marqué par les pas du voyageur, le "Wanderer" n'abandonnant jamais la quête troublante d'un ailleurs inatteignable que les accents désespérés des lieds poursuivent inlassablement.

C'est dans la poésie que Schubert trouve son inspiration musicale, notamment chez Wilhelm Müller, lui-même inspiré par Novalis, Friedrich Schlegel.

Walter Scott lui donne l'idée de son cycle des 7 chants tirés de la dame du lac.

Après son voyage d'hiver, Schubert écrit encore un cycle de lieder, le chant du cygne.

Il meurt en laissant 600 lieder.


Le dernier lied du Winterreise est celui qui a été le plus interprété.

Der leiermann ( le joueur de vielle)




Le joueur de vielle


Là-bas, derrière le village,

Il y a un joueur de vielle

Et de ses doigts gourds

Il joue ce qu’il peut.


Pieds nus sur la glace,

Il va chancelant ça et là

Et sa petite sébile

Reste toujours vide.


Nul ne daigne l’entendre,

Nul ne le regarde

Et les chiens grondent après le vieil homme.

Mais il laisse tout filer,


Advienne que pourra, il joue,

Et sa vielle jamais ne se tait.

Étrange vieillard, dois-je aller avec toi ?

Voudrais-tu faire tourner ta vielle pour mes chants ?


Plusieurs interprétations ont été faites de ce joueur de vielle :

 Franz Liszt en a fait une transcription pour piano seul.

 Sting le fait avec guitare et mélodéon.

 Hans Zende en 1993 en fait une recomposition.

 Noémi Waysfeld et Guillaume de Chassy le chantent en mode jazzy.

 Rodolphe Burge en fait un air pop intemporel.


De cette marche solitaire où domine le blanc, les traces de pas brouillés par la neige, les ombres inquiétantes du lointain, le ciel bas et lourd sont ses seuls compagnons.

La seule rencontre qu'il fait est le joueur de vielle et la postérité se demande toujours qui est ce joueur - Que représente-t-il ? - d'où l'inachèvement de la pièce musicale qui est laissée à notre entendement.

Il n'y a pas de révolte. Schubert tenait à ce que la pièce soit exécutée sur le mode assumé de la résignation, un état d'âme où il s'interdit de faire pénétrer toute expression violente ou agressive d'un sentiment qui serait déplacé dans l'ordonnancement de son cycle.


L'œuvre reste ainsi, intemporelle :

" Advienne que pourra, il joue

Et sa vielle jamais ne se tait "


Ginette Flora

Février 2024


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