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Les haïkaïs de Kikakou


Le Japon a le rare privilège de posséder en propre une forme de poésie très originale : Les Haïkaïs.

Une Haïkaï est un poème minuscule de trois vers comptant respectivement cinq, sept et cinq syllabes.

C'est dans ce cadre étroit que le poète japonais, comme un habile ciseleur ou miniaturiste, concentre sa vision ou note un instant d'élite.

Enomoto Kikakou naquit à Kataka dans la province d'Omi en 1661. Il est décédé à Tokyo en 1707 à l'âge de 45 ans.


Son âme sensible, poétique se cachait sous une apparence plaisante, satirique et humoristique. Devenu célèbre, dans tout le Japon , nul ne l'égale en tant que locuteur ironique et caustique.

Cependant un vernis délicat enrobe sa personne. Il sait aussi approcher la personne, la traverser et lui offrir le lys de sa poésie.

Les haïkaïs de Kikakou sont pour la première fois traduits en langue européenne par Kuni Matsuo et Steimilla Oberlin.


Voici quelques haïkaïs et les explications qu'on peut en donner.



J'offre cette branche

De prunier fleuri

Avec les rêves de ma nuit

( La fleur de prunier se cache dans la nuit noire

mais sa présence embaume.

Souvenir de l'ombre et de ses rêves nocturnes.)


Tout autour de la stèle

Délivrées d'inquiétude

Les lucioles


Rumeurs dans le crépuscule

Le corbeau retourne au nid

Les moustiques sortent ..

( Sens symbolique . naissance et mort

Les uns viennent, les autres s'en vont.)


Je voulais voir les fleurs épanouies

J'aperçois

Un épanouissement de rideaux !


( Au temps des fleurs, les groupes de jeunes gens qui viennent s'ébattre sur les pelouses du parc de la capitale, ont l'habitude pour sauvegarder leur intimité de s'enclore de toiles et de rideaux.

Kikaku joue sur le mot "sakari kana" ( plein épanouissement) qui ne se dit que des fleurs.

Il était venu pour voir les fleurs, il aperçoit partout que des clôtures de toiles !)


Histoire déjà passée

La demoiselle Hatsune au temple de Mudera

Un rêve d printemps !

( Evocation mélancolique et pleine de grâce d'un petit fait déjà lointain.

Kikakou avait un ami, mort depuis, fiancé à une jeune fille qui prédestinée par son nom aimait à fréquenter le temple en question. )


Même aux jours nuageux

Elle reste souriante et fraîche,

La pivoine .


( L'homme de qualité, même aux mauvais jours,

garde sa valeur et son sourire. )


Sans rien faire

Mon mal brûlant passa

Alors je compris la loi bouddhique


( Le philosophe Ryujubosatu, religieux et moraliste, prêcha la doctrine bouddhique 400 ans après Bouddha. Il préconisait l'absence du désir, le renoncement à l'action et la patience. )


En barque dans la nuit chaude,

Je regarde, on me regarde

Visages dans les ténèbres


( Nuit d'été à Edo. On se promène en barque et quand les barques se croisent, on cherche à se reconnaître.)


Printemps à Edo

Pas un jour ne passe sans

Que ne soit vendue une cloche de temple








Quelques analyses de collaborateurs au Centre de Recherche Internationale de Poésie, dont Didier Ayres ont essayé de lever le mystère qui plane sur le haîku.

C'est un genre poétique qui correspond à un sentiment contradictoire de proximité et d'éloignement. Un élément réel, objet ou être vivant, renvoie loin dans une sphère de la pensée constructive.

Ce qui paraît décousu par l'économie de mots, l'étroitesse de l'espace concédé aux mots trouve son explication dans la révélation qui se cache dans le troisième vers. L'usage de mots brefs et simples présage à une immensité de non dits et de paroles suggérées.

Il instaure un silence, creuse un puits profond d'où il faudrait remonter le seau de la source.

Le poème court indique un message, une métaphysique du mot placé en évidence puis projeté au loin pour qu'il tombe dans un néant irradié en faisceaux lumineux.

L'objet de la poésie du haïkaï, un brin d'herbe, un oiseau, une vibration du vivant se met à bourdonner pour conduire l'esprit vers une réflexion.

C'est un bout de bois, tenon trouvant mortaise et voici la sculpture d'un mot.

L'énigme vient des coupures, des rejets, d'un discours poétique tranché en trois sections.

Comme la pointe de l'estampe, quelques lignes fines et l'estampe se met à vivre !

La tension entre le plein et le vide de l'haiku projette la réflexion comme le trait de pinceau de l'estampe crée l'émotion.



Ginette Flora

Juillet 2024

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8 Comments


J'ai tenté cette expérience... (ainsi que pour les tankas !)... tant en restant lucide sur la difficulté d'atteindre la prefection ! 😔

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Je l'ai tenté aussi grâce à short Edition mais j'ai vite préféré les tankas qui sont moins exigus en espace ....

Le court demande un effroyable effort de synthèse.

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j'adore ces poésies pleines d'images ...un art véritable qu'on ne maîtrise pas de la même façon,je crois, j'en fais quelques fois mais je ne suis jamais satisfaite ... il manque quelque chose ce petit"truc à l'âme" qui rend ces poèmes si beaux ... Merci, Ginette !❤️

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Cet article aussi, je l'ai trouvé au fond de mes malles !!

Imagine ma surprise ! J'avais oublié que les haikus pouvaient se glisser partout !!

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Belle découverte. Merci Ginette

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Heureuse de te parler de cette forme de poésie tout à fait atypique !

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Une forme poétique à laquelle je me suis beaucoup intéressé fut un temps via les recueils de Matsuo Bashō ! Un art bien plus compliqué à maîtriser qu'il n'y paraît ! Merci à toi, Ginette ! ^^

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Matsuo Basho dont Kikakou fut le disciple.

Et pour la complication , rien de plus compliqué que d'écrire :

" Reflet de l'eau

Un écureuil volant sur

Le manteau de la glycine . " ( KiKakou)

😶🐿️🌺


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