Les musicologues s'accordent pour dire que Purcell compose avec" O let me weep" sa plus belle aria, un de ses chefs d'œuvre.
On lui connaît d'autres arias comme le " Remember me " de Didon dans l'opéra d' Enée et Didon" où il excelle à livrer le comble de l'émotion. Il inaugure la dramaturgie baroque anglaise.
Il a aussi composé des mélodies comme " O solitude (1685)" où l'on retrouve la force musicale de son épanchement lyrique. On entend un jaillissement, un débordement de sanglots qui vont crever sur le visage tant ils sont à peine retenus. C'est un chef d'œuvre de la musique vocale où le procédé de l'ostinato, répété à l'envi, est porté par une voix qui module les différentes nuances du motif.
Il atteint une tonalité expressive dans la traduction lyrique du désespoir, du chagrin, de la perte de l'être aimé.
Une palette d'émotivité est conduite de la même manière dans l'aria " O let me weep"
"O let me weep" est chantée par Titania dans l'acte 5 du semi-opéra " The Fairy Queen" (1692) où Purcell signe une œuvre inhabituelle composée de plusieurs tableaux relatant une histoire compliquée où trois couples se déchirent et se retrouvent. C'est une adaptation du "Songe d'une nuit d'été" de Shakespeare.
"La reine des fées" Titania et son mari Oberon se disputent. Oberon jette un sort et l'inocule d'un poison qui rend Titania ivre d'amour pour une créature mi-homme, mi-bête.
Titania chante son désespoir, sa tristesse et sa douleur d'avoir été humiliée et de voir la fin de son union avec Oberon. L'aria est d'un tempo lent, ample, accompagnée d'un ensemble de basse et d'un hautbois qui soutient la mélodie.
Cet air d'opéra est interprété par de nombreux solistes comme les contreténor Alfred Deller, Philippe Jaroussky, les sopranos Yvonne Kenny, Glyndebourne, Paulina Francisco...
Voici l'interprétation d'Alfred Deller.
L'ensemble " Les Arts florissants " ont mis en scène l'aria au cours du Festival de Printemps Avril 2023 dans les jardins de William Christie, situés en Vendée.
La soprano Paulina Francisco, trois mezzo-soprano, deux ténors et deux barytons donnent une interprétation de la " Fairy Queen " de Purcell au coeur d'une nature bondissante de verdure où s'ajuste le décor du songe d'une nuit d'été !
Nous devons songer que Henry Purcell n'avait que 32 ans lorsqu'il composa " Fairy Queen" et les airs qui jalonnent l'œuvre dont le très bouleversant " O let me weep" et qu'il meurt prématurément à l'âge de 35 ans.
O let me weep, forever weep.
O let me forever weep !
My eyes no more shall welcome sleep :
I'll hide me from the sight of day,
And sigh my soul away.
He's gone, his loss deplore ;
And I shall never see him more.
O let me weep ! forever weep !
L'art du contrepoint rigoureux et un sens inné de théâtralité qui recouvrent la dramaturgie anglaise y sont élevés à un point de paroxysme auquel on ne peut être indifférent.
Le contrepoint en musique est une technique de composition qui superpose des lignes mélodiques jouées en même temps, note contre note.
Les accords naissent à partir de mélodies répétées.
C'est l'harmonie.
Et dans cette aria, cela donne à l'écoute :
O
O, let me, O
O, let me weep
O
O, let me, O
O, let me weep
O, O let me
Forever weep
Forever, forever
Forever, forever weep
My eyes no more
No more, no more
Shall welcome sleep
He's gone, he's gone
He's gone
His loss deplore
And I shall never
Never, never
Never, never
See him more
I shall never
Never, never
See him more
Ce qui va faire planer une certaine magie qui contribue à renforcer l'impact émotionnel.
Et puis il y a la féerie dans laquelle toute l'œuvre baigne dans une fantasmagorie lunaire.
Janvier 2024
Ginette Flora
Une découverte totale pour moi : tristesse et beauté...
Merci Ginette, je découvre mais je t'avoue que je trouve cela presque angoissant et mes émotions sont retenues ... la découverte est là et cela rend riche ! Joli week end à Toi !😍
Merci Ginette pour ce air d'opéra !