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Photo du rédacteurGinette Flora Amouma

Shambhala, le royaume des cieux

Quelques points de référence pour situer la sortie du film. C'est un film népalais réalisé par le réalisateur et scénariste népalais Min Bahadur Kham, co-produit par divers pays et dont la sortie en France est prévue pour le 27 Novembre 2024.

Une fois ces fondamentaux techniques et réalistes posés, tout est ensuite une ascension vers des sommets enneigés.





Il existe, dit le mythe indo-bouddhiste, un royaume idéal, Shambhala qui veut dire en sanscrit «  Un  lieu de bonheur paisible »,   la terre mythique des dieux, dans l'Himalaya tibétain.

Moines, pèlerins, quelques autres téméraires sont partis vers ce pays où l’on n’arrive que par l’esprit, par le cœur et les régions insondables de la nature humaine,  à cette lisière du monde qu’on appelle la conscience spirituelle.

 Bouddha en a reçu un enseignement au Klachakra  sur les lieux du Shambhala.

C’est la forme d’initiation spirituelle la plus élevée, enseignée par le Dalaï-lama. Le Shambhala devient ainsi un royaume légendaire inaccessible, synonyme de quête et de recherche, d’initiation à la découverte de soi-même.

Une spiritualité  de plus, direz-vous.

Non.


Ici, c’est une femme qui à dos de cheval, s’en va à la recherche de son époux pour lui apprendre la vérité, lui dire que la vérité vient de la personne elle-même et non des rumeurs partisanes.

Tout le film repose sur les épaules de la jeune femme vaillante et aimante.

Le film raconte cette ascension vers un amour que rien ne peut réduire ni les lois ni les coutumes ni les trahisons, ni les ragots indignes.

Le film, je ne l’ai pas encore vu mais j’en ressens en moi toutes les vibrations, les images, les espaces blancs et nus, les lumières ocre et chaudes sur les visages révélant le cœur même de la sensibilité humaine, tout est inscrit dans les images.

Il y a des images qui parlent comme il y a des livres dont on peut en parler sans les avoir lus mais en les ayant compris avant qu’ils ne se mettent à remplir les étagères de nos bibliothèques.

Il existe ainsi  une musique qu’on a entendue une fois, dont on ne retrouve plus la piste et dont on ne cherche pas à se procurer la pièce car on l’a entendue et qu’elle a percé les cloisons de l’enfermement dans  lequel on était emmuré et qu’on craignait de sortir voir le monde et d’en être effrayé.

Il y a  tout ce tremblement dans Shambhala, tout ce que peut éprouver cette femme.  Si  on a de l’empathie, celle qui est innée, on peut s’approcher d’elle.

Le film est donc laissé à plusieurs interprétations et  on n’en adhère  à aucune  si on se sait pris dans un engrenage, celui de la spiritualité, celle qui vous couvre de son blanc manteau et qui vous fait comprendre un doute sans avoir reçu aucun enseignement.

 


 La femme


1/ C’est le thème principal du film.


 C’est la femme dans une société régie par des lois tribales. Nous sommes dans une région montagnarde, dans un village des monts himalayens, dans le Tibet isolé où les sociétés polyandres existent encore. La femme doit épouser plusieurs hommes de la même famille pour des raisons économiques et foncières  et pour éviter l’éparpillement d’un domaine acquis par les patriarches du village. La femme épouse une fratrie.

Dans les faits, seul l’aîné consomme les liens du mariage car souvent le deuxième est  destiné à suivre un parcours religieux dans un monastère et le dernier frère est très souvent le plus jeune,  sa présence sert de réserve et de remplaçant  au cas où le  décès de l’aîné priverait l’épouse de son conjoint.

Ce sont donc des rituels, des croyances, des lois figées, répétées à l’envi pour préserver un ordonnancement, une survivance, une façon d’exister et d’affronter la lente évolution des codes humains.

 Pema  épouse donc l’aîné Tashi, le second frère Karma et le dernier plus jeune Dawa.




2/ Entre l’aîné Tashi et Pema naît un sentiment, une réelle connexion.


En filmant de près les profils des visages sous la lueur tamisée de la lanterne, on lit et on vit leur drame.  Le fugitif émerveillement d’une naissance, non pas la naissance de la vie que Pema porte en elle mais aussi la naissance d’un lien vital.  Nous vivons à travers eux, le prodige de l’homme et de la femme  face à face, conscients de leur différence, absous dans leurs angoisses et illuminés par la luciole de l’amour.

Ces images-là seules, valent tout l’or du monde.

Le geste de Tashi sur la joue de la femme vaut tous les livres et toutes les écritures.  Le regard de Pema sur Tashi contient une poésie intraduisible.

 Oui, on peut comprendre des livres sans les avoir lus. On peut entrer dans la peau des personnages sans avoir vu les films pour peu qu’on ait eu à en voir  quelques extraits, on peut garder l’unique musique entendue sans avoir à la faire ruisseler  plusieurs fois.

Et on peut voyager sans avoir vu certains pays et parler de ces pays sans les avoir visités.

 Les montagnes, les déserts, l’ingratitude des paysages secs, les cailloux, la rocaille poussiéreuse des chemins, l’espace terrifiant de nudité soudain  vidé de tout tumulte, que nous montrent les images, c’est aussi le thème du film.

En allant chercher Tashi, Pema se heurte à sa propre conscience, à son âme, à son existence, à  l’écoute de ce qu’elle est vraiment.

Femme vivante et non capturée.

On peut sentir dans son long périple,  le soulèvement de la terre, du terreau qui jaillit du  sol, des paroles d’une étonnante  lucidité. Les citations se gravent tant ils sont pertinents et justes.

Une justice du monde s’ébauche :

 «  Une naissance est toujours un miracle en soi. » 
«  C’est le royaume où je désire me réincarner. »
 « Ton mariage avec les trois frères est ton karma mais poursuis la voie que tu as découverte. » 

 3 / C’est un voyage dans un pays en veille


C'est un pays de glaciers, de déserts, de rochers, d’espaces nus où le rien prend une signification cryptique. C’est un voyage difficile, ardu, exigeant que Pema entreprend avec son cheval Namkha  entre vallées, ravins, crevasses et plateaux dénudés.

 Or l’amour pour s’y rendre a besoin de cet espace  le plus grand possible.

 Les paysages du Népal et du Tibet bousculent la raison de Pema et lui font  entrevoir ce qu’elle parvient à nommer au terme de son voyage.

L’action est singulière. La femme est conspuée et on a des doutes sur le père de l’enfant qu’elle porte. Elle s’en remet à la justice de la liberté et s’en va rechercher Tashi qui  a eu vent de la rumeur et  ne rentre pas de l’expédition qu’il a été contraint de faire pour aller commercer à Lhassa, la capitale du Tibet.  

Pema s’en va à sa recherche et son  action devient une ascension d’elle-même.

Au contact du silence, au contact de la solitude et surtout de la voix de la solitude, on assiste à l’épopée d’une femme, on découvre le portrait d’une femme.


Tout en finesse, très suggestive la narration transmet des messages  et c’est pourquoi il suffit d’une image pour nous percer le cœur. Les moulins à prières, les flûtes, les chants et les sanglots de la guitare saranghi accompagnent le voyage de la femme que les  montagnes amplifient.  Pema reçoit l’enseignement de la nature dans sa spartiate splendeur.

D’où la lancinante poésie qui se dégage de la pellicule. Un grain de spiritualité bourgeonne sur chaque image. C’est la pureté non pas d’une sorte de morale mais d’une quête de soi-même qui aboutit à l’univers, à la première naissance du monde d’où la présence pénétrante du matériau cryptique de l’œuvre.

 L’effusion du romantisme est partout. Elle caresse, elle s’approche, elle insiste, elle se veut présente pour qu’on assiste à l’inaltérable consentement du monde.  

 La musique émerge, repart sur les pentes rocheuses, s'en va cribler les montagnes puis revient glacifiée par les eaux des hauteurs.

Avec Pema, nous vivons, nous voyons, nous entendons l'explosion de nos sens réveillés par des couleurs et des voix de l'au-delà.

 

 Novembre 2024

Chronique de Ginette Flora

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6 Comments


viviane parseghian
il y a 6 jours

Superbe invitation, Ginette, tout fait envie dans ta présentation ..Merci à toi "

Ces images-là seules, valent tout l’or du monde."...c'est beau ❤️

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Ginette Flora Amouma
Ginette Flora Amouma
il y a 6 jours
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Merci beaucoup, Viviane.

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ROLLAND
il y a 6 jours

Des vies dures mais qui ont un sens profond ! Ils possèdent les vraies richesses....

Des peuples qui n'ont pas changé depuis la nuit es temps !

Merci Ginette pour cette belle chroniques !

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Ginette Flora Amouma
Ginette Flora Amouma
il y a 6 jours
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Merci beaucoup pour ta visite.

Partout le même battement de coeur, le plus difficile a été de le traduire.

Bon dimanche, Babeth.

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colette kahn
il y a 6 jours

Merci Ginette pour cette magnifique chronique. Je vais très souvent au cinéma, ayant la chance d'avoir toutes les salles parisiennes à ma disposition avec le métro et j'aime tout particulièrement les films qui me font voyager dans un "ailleurs"... Bon dimanche 🌞 !

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Ginette Flora Amouma
Ginette Flora Amouma
il y a 6 jours
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Parfois un film nous interpelle par une touche de singularité qui révèle une humanité dans laquelle on peut s'identifier .

Celui-ci m'a " scotchée " et je ne saurai dire pourquoi.

Bon dimanche Alice.

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