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Sur les pas de Racine

Dernière mise à jour : 9 mars


Au club des seniors, la section des inscrits aux grandes sorties trimestrielles écoutait avec attention Justine, leur jeune et dynamique monitrice. Le prochain défi proposé par l’équipe de l’association des amis de la culture régionale devait opposer deux clubs de seniors. Le club des Alchimistes et le club des Galurins avaient accepté de défendre les couleurs de leur région  de la vallée de Chevreuse. C’était la première fois qu’un challenge sportif était associé à  la découverte des trésors culturels d’un site historique. Le club des Alchimistes fidèles à son patrimoine culturel se félicitait déjà de remporter le livre d’or de Jean Racine et le bourdon de la varappe. Justine frémissait en voyant Jean-Pierre se délecter d'un prochain record sur l'équipe adverse comme un animal en chasse furetant sa proie. Monique redressait ses vieux os en découvrant le profil du jeu. Fabienne et Benoît se pressaient les mains sachant qu’ils se serreraient les coudes au cours de la randonnée. Deux équipes devaient se rejoindre à l’abbaye de Port Royal en  empruntant le chemin de Jean Racine, un parcours pédestre terreux entre bois et champs.

Agnès, la meneuse de l’équipe des Galurins,  fronçait les sourcils. Elle trouvait qu’on mettait le site de Port-Royal à toutes les sauces. Il y avait déjà eu une sortie culturelle où des concerts avaient été organisés dans le musée de Port-Royal. On avait écouté le Cantique de Jean Racine mis en musique par Gabriel Fauré. Une autre sortie avait eu pour objectif de parvenir à décrocher « la main verte », récompense de l’équipe qui avait su dompter le potager des ermites de  Port Royal et d’en faire vivre ses plus belles plantes médicinales.  

 On refaisait Port Royal mais avant qu’elle ne pût dire ou recueillir une plainte de Guillaume qui commençait à grimacer, l’organisatrice prit la parole en levant la main :


– Le chemin de Jean Racine part du château de la Madeleine pour s’arrêter au domaine de Port Royal des Champs. Racine empruntait ce chemin quand il venait visiter les membres de sa famille maternelle et les maîtres qui l’ont éduqué et dispensé un enseignement rare dans l’institution des « Petites Ecoles » de Port Royal des Champs qui jouxte le bâtiment des Solitaires, les ermites qui se sont retirés de la vie citadine pour vivre en osmose avec la conviction qu’une vie austère aboutirait à recevoir les grâces de leur dieu. Ils  s’occupent des jeunes enfants.  

Après avoir fréquenté cette école qui s’occupe des enfants de l’âge de cinq ans  jusqu’à l’âge de quinze ans, Racine part terminer ses humanités au collège de Beauvais. Puis il revient à Port-Royal qu’il fréquente encore deux années jusqu’à ses seize ans, privilège exceptionnel qui lui est concédé grâce aux appuis de sa parentèle qui siège dans les hauts rangs de l’église. C’est à ce moment qu’il écrit des odes et des sonnets,  des poésies qui font l’éloge des bienfaits de la nature. Il écrit " Les promenades de Port Royal ", une  poésie extatique où faune et flore accompagnent la jeunesse du jeune homme.

Jusque-là, il menait une vie quasi monacale, cultivant non pas seulement la terre généreuse du potager mais aussi se repaissant de la culture grecque, versifiant selon les codes admis par l’époque. Vous lirez ses vers sur les sept bornes qui jalonnent ce chemin et vous apprécierez combien il aimait son terroir. Il s'était épanoui au contact des joies bucoliques et des travaux champêtres. Son enfance et son adolescence étaient calmes, bercées par les brises de l’aube et du couchant.

 Puis il entre au Collège d’Harcourt à Paris pour terminer ses études et il découvre une autre vie. De mondanités courues dans les cercles littéraires, il se fait convier dans  les salons, apprend la vie et les codes parisiens auprès de ceux qui font la vie  des lettres et des écritures, une occupation majeure qui génère un bénéfice, assure la promotion des publications livresques et les destine à la vente. Sa vocation s’éveille et trouve dans la capitale le sol où la faire s’épanouir. Il imite les grands, il apprend leurs manières, les tournures  qui  plaisent car il apprend à plaire. Il comprend que c’est la brèche où il peut se faufiler pour se faire remarquer. Ce  n’est plus le repos du gentilhomme dans sa campagne, c’est le guerrier à l’affût de la moindre opportunité pour  obtenir des aides, un  faire valoir, des lettres de créances, des appuis. Il observe  un système dont il mesure l’efficacité,  en expérimente le fonctionnement et les ressorts qui le gouvernent. Il sent d’instinct que s’il veut devenir l’un des leurs, il doit d’abord se glisser dans leur peau. Il s’aperçoit que ses vers plaisent, il surprend, les écrivains et les poètes le remarquent dont Molière  puis La Fontaine  puis Boileau. Il écrit « Amasie », il écrit des odes à la louange du roi.  Il s’enivre de leur univers.

 C’est au cours de cette vie qu’il accepte de superviser les travaux que fait réaliser le duc  de Luynes au château de la Madeleine dans le village de Chevreuse, voisin de Port Royal des Champs. Racine séjourne au château  durant son travail de contremaître. C'est un des rares châteaux médiévaux conservés en Ile de France.

Et c’est ainsi qu’il revint visiter sa famille et ses maîtres qui,  ayant entendu parler de ses exploits littéraires en ont gros sur le cœur et n’ont pas hésité à le réprimander.  Il emprunte ce chemin boisé qui devint le chemin de Jean Racine.

 C’est dans ce contexte que vous devez emprunter ce chemin, imaginer dans quel état d’esprit était le jeune  gentilhomme campagnard fraîchement plongé dans les frasques parisiennes et qui revient vers les lieux de son enfance.  

 De ce passage d'une vie simple dans un domaine retiré à une vie libre de toute entrave hormis de suivre le bon vouloir du  Roi, on ne sait rien.

 Nous vous laissons faire ces cinq kilomètres pour découvrir le poète de la nature  qu’on connaît peu car on ne parle que du dramaturge mais qui connaît le Racine de Port Royal ?   Celui que certains historiens nomment l’enfant de Port Royal ? Qui connaît la nature des troubles qui ont dû le traverser au sortir d’une vie sans turbulence pour intégrer une vie dispendieuse et  hasardeuse, lâché au milieu des tentations, des cabales et des querelles aigres qu’il n’a cessé de rencontrer à Paris avant que la célébrité ne vienne le cueillir ?

 C’est la première piste que nous vous proposons, d’aller à la rencontre d’un jeune homme élevé et formé à des règles rigoureuses de l’enseignement des « Solitaires » de Port Royal et qui devait se mesurer au trouble jaillissant d’un « Rastignac »  qui défie Paris.

A quoi pense-t-il ? Il a 22 ans. C’est le moment où, écartelé entre sa parentèle et ses éducateurs qui lui reprochent sa vie agitée et ses écritures poétiques, il est amené à choisir entre une vie d’homme de  lettres ou une carrière  ecclésiastique.   

 Mais Racine a choisi sa voie. Il est à Paris et ne reviendra plus en arrière. Ce bref retour aux sources qu’il s’accorde, lui donne l’occasion de s‘assurer qu’il a besoin de faire ses armes à Paris.

Qu’a-t-il pensé en revoyant Port-Royal ? A vous de l’imaginer.  Les paisibles rumeurs de la nature où l’on entend vibrionner les insectes ont-elles le même effet sur lui qui cherchera à sonder et peindre la nature humaine et ses passions ?  

 Un autre aspect qu’il serait intéressant de creuser, c’est de se demander ce que Racine a retenu des querelles dont il a été le témoin tout au long de sa jeunesse : frondes politiques, affrontements qui ont opposé maintes fois les jansénistes,  les adeptes  de la philosophie de la prédestination et les molinistes qui croyaient au libre arbitre.  Nombre de brouilles avec sa  parentèle qui espérait le voir se tourner vers le clergé, nombre de cabales  qu’il a suivies, on peut se demander si, rompu déjà aux intrigues politiques, il est aguerri  et va jusqu’à pécher par  opportunisme pour arriver à ses fins.

 Suivez les sept jalons, lisez les vers de Racine, c’est l’homme qu’on connaît peu  car après  ce passage  qui le stigmatise, on le verra devenir le dramaturge que l’on connaît, écrivain pour le roi, lui servant de confident, recevant maintes récompenses, adulé puis anobli, ayant porté le métier d’écrivain  jusqu’au rang moderne d’une activité de pleine valeur.   

 Cette rapide ascension sociale  le confronte aux critiques, aux querelles entre cornéliens et raciniens, les conflits sulfureux  s’enveniment, on le contemne, lui reprochant d’associer la prédestination janséniste au fatum antique mais Racine a été sa vie durant au contact des jansénistes et des classiques grecs, le terreau ne lui est pas étranger, son théâtre est le subtil alliage des deux pensées. Il ne veut ni déplaire à ceux qui l’ont cultivé ni complaire à ses détracteurs ni même sacrifier à ses propres grands idéaux.  Il tire de la vie qu’il a menée à Port Royal un théâtre où l’action présente des passions qui prennent le pas sur les intérêts politiques. Racine a le soutien du Roi, ce qui lui permet de s’éloigner progressivement de ceux qui fomentent autour de lui des complots qui nuisent à la voie qu’il s’est taillée pour imposer son travail d’écrivain. Il compose « Alexandre le Grand », en le faisant représenter par une autre troupe que celle de Molière qui lui avait ouvert les bras, rompant avec les anciens amis au  grand dam de ceux qui l’ont aidé puis, ayant repoussé les attaques,  il se démarque avec  « Andromaque ».  

 Vous êtes libre de choisir le sujet mais il doit se placer dans ce contexte très particulier où Racine revient sur les lieux de son enfance  alors qu’il vient de goûter aux fastes de Paris.

 

  Le rendez-vous fut pris pour définir les enjeux de la course : arriver devant le musée de Port Royal en un laps de temps record qui permettrait de désigner l'équipe victorieuse. Justine sentait que tout le travail d’écriture serait une fine dentelle à broder sur le champ des coquelicots et que l'originalité des photos dépendrait des aléas de la balade. Ils  seraient lestés  au château de la Madeleine. Le  camp adverse partirait de la gare de St-Remi où ils seraient déposés. « Possible qu’on les croise sur le chemin mais on a voulu que les difficultés soient les mêmes sensiblement, le véritable clou de l’aventure, c’est de rendre une bonne copie de la randonnée qui sera publiée dans le journal local. Les témoignages de chacun figureront dans l’article avec photos à l’appui. »


La navette affrétée pour l'occasion les avait lâchés devant les contreforts pierreux du château de la Madeleine, vieille bâtisse auprès de laquelle ils se sentirent tout petits.  L’équipe des Galurins voulait se distinguer  en  usant de ses cartes et de ses marqueurs mais Justine fut plus rapide, trouva l’entrée du chemin de Jean Racine et s’empressa de rassembler  ses alchimistes devant la signalétique agrémentée d’une ode de Racine :  


«  Que je me plais dans ces montagnes

Qui s’élèvent jusques aux cieux

D’un diadème gracieux

Couronnent ces belles campagnes  » 


Le ton était donné. Ils lurent la borne puis s’attardèrent à refaire une deuxième lecture. Il y eut une sorte de trêve. Les bois aux feuillus d’un vert sombre parfois fardé d’une lumière zébrée  de  coulures dorées  se gonflaient dans un silence  religieux. Ils se lancèrent sur le sentier clairsemé de cailloux. En enjambant racines et amas de branches, ils ne se souvenaient plus de ce qu’on leur demandait, leur esprit se voûta au contact  d’une brise qui les étreignait. Ils voulurent savoir à quoi leur âme s’exposait et ils enfourchèrent la monture. A petits trots, à petites foulées, ils sacralisèrent l’endroit en s’étonnant d’avoir pris le risque de le faire. Le saut dans l’inconnu les conduirait vers un refuge, ils pensaient qu’ils y parviendraient sans rien perdre de leur enchantement simple.  

Eux tombèrent dans le prisme de la séduction. Eux se firent happer par les bras enjôleurs d’une présence. Ils entrèrent dans les fourrés d’un âge où un caillou sur le sol avait le don de les combler.

 La deuxième équipe les avait rejoints, venant d’un sentier touffu où ils s’étaient fourvoyés. Ils les entendirent repousser l’arrivée d’une douceur nostalgique  à laquelle ils ne voulaient pas donner un trop grand crédit.


–  Je ne pense pas que Racine se soit vraiment abandonné  à moduler une crise de nostalgie. Il était trop imprégné de sa vie parisienne, de sa découverte citadine pour ressasser les remugles du passé. Les rugosités des pierres, il s’en était éloigné. Je ne pense pas  qu’il ait fait  surgir les cathédrales de son enfance.

– Alors pourquoi n’a-t-il pas oublié sa nourrice qu’il a mentionnée dans son testament ? Pourquoi revient-il voir ses maîtres qui l’ont réprimandé ?

– « Je vois les tilleuls et les chênes, ces géants de cent bras ornés  ». Très certainement, il galope sur son cheval, entre « mille saules épais » , et si le vent lui rappelle  « ses demeures du silence » enfantines, il est désormais dans l’action et non dans les randonnées de la poésie  bucolique.

   


 La remarque la plus subtile que releva Justine vint de Sébastien qui fut plus prosaïque :


–  Racine  avait dû inhaler les senteurs qui venaient à lui spontanément mais il gardait la tête froide. «  Il ne vit plus la biche légère ni le chevreuil champêtre et doux »   mais il sait que ces animaux ont compté pour lui, ont ébloui  l’enfant qu’il avait été, aimant la nature quiète et qui lui rendait sa bienveillance par de simples éclats d’une joie tranquille. Au dessus de cette seule méditation qu’il avait conservée, est venue se superposer une autre sorte de trouvailles, de celles qui exigent qu’on ne se disperse plus.  Il avait été le berger des champs, le promeneur solitaire mais confusément depuis ses  dernières années d’études à Paris, en lui bouillonnaient d’autres vagues d’excitation malgré « la présence de « mille saules épais » et « le murmure d’agréables ruisseaux ». En lui tonnaient les canons de la conquête, un autre feu.

 



Se souvient-il des « troupeaux errants »,« des petits oiseaux  » ? Il n'en a plus le loisir, il entend les hérauts annoncer le carrosse du Roi.

 

L’équipe des Galurins ajouta une réflexion que ni Justine ni Agnès  ne purent négliger.


–   C’est évidemment « La vieille route des carrosses ! »  s’exclama Guillaume.  

   



                 

Racine en la prenant avait-il eu la vision  des affairements de la capitale ? S’était-il dit que la vieille route des carrosses l’avait mené jusqu’à Versailles, jusqu’à la Cour du Roi où les carrosses franchissaient l’entrée à grands fracas de poussière ?

 La nostalgie n’est plus ce qu’elle était. Quand il avait quinze ans et qu’au retour de ses études au collège provincial de Beauvais, il arpentait les champs, il avait hâte de retrouver son coin de verdure et les berges des ruisseaux, il aimait se posait pour versifier. Quand il écrivait " Les promenades de Port Royal ", il était encore le jeune homme épris d’histoire ancienne, de poésie et de rhétorique. Il vivait pour les sonnets et les odes :

« Cieux pleins de charmes et d’attraits… »  « Sous vos épaisses feuillées, dans vos campagnes fleuries,  c’est là  que sont les saintes demeures du silence »



En tant que contremaître, au service du Duc de Luynes, qui lui fait la grâce de le recevoir en ces lieux de forteresse, Racine voit le fleuret de l’ambition le démanger plus que de raison  et le taillader de part en part.  


–  Mais il reste lucide, aimable, il sait qu’il faut pactiser avec tout le monde, amis comme ennemis. Son flair et son instinct lui dictent de ménager ses éducateurs et ses censeurs potentiels.

–  On ne sait rien de la façon dont il a rencontré ses maîtres. Certes, il prenait ce chemin pour aller à Port Royal mais … ensuite ? 


–  Il faut quand même savoir qu’en jouant au bellâtre dans les salons parisiens, Racine s’est vite retrouvé « sur la paille ». Il « claquait l’argent », il lui fallait en trouver et il ne pouvait se  tourner que vers sa famille.

– C’est pour cela qu’il est parti en chercher du côté des ecclésiastes. Un bénéfice ecclésiastique permettait à celui qui prenait un office d’être rémunéré. Sa parentèle qui lui cherchait une charge  en l’envoyant à Uzès  dans le Gard ne parvient pas à lui donner un quelconque statut dans l’église, Racine refusant la prêtrise.

–   C’est pour cela qu’il accepte les petits boulots comme celui de contremaître au château de la Madeleine, une charge très peu contraignante car il semblerait qu’on le voyait souvent attablé au comptoir de la brasserie du village.

–  Donc s’il venait visiter sa famille, ce n’était plus pour des histoires de sous. Cet épisode est obscur. On peut tout imaginer. On peut le savoir content de revoir la petite école et les bâtiments qui l’ont longtemps hébergé. On peut l’imaginer refaisant le tour du domaine mais qu’en est-il de son face à face avec les « Solitaires » ? Ceux qui lui ont tout appris  en matière de culture, de langue, d’initiation à la sagesse contemplative.


Justine se focalisa sur les ombres qui commençaient à se former autour de Racine.


–  Ce retour à Port Royal était une épreuve pour lui et non un plaisir porté vers la  rêverie nostalgique. C’était l’épreuve de la duplicité, de cette forme de comportement qui offre au monde un maintien retenu, calculé. Racine apprend les prémices de l’art de se composer des apparences trompeuses qui serviront sa carrière.

Est-ce ainsi qu’il procède avec ses précepteurs ?  Les discussions qu’il a avec eux à ce moment devaient être riches en enseignement. Le véritable Jean Racine prend forme en ce lieu où il exerce son savoir nouveau : la face de l’homme du monde.


 Il y eut une halte où Justine se concerta avec Sébastien, Jean-Pierre et Monique,  sur la question de la personnalité  de Racine à cet instant où il galopait vers sa destinée.

Car, se dit Monique, Racine est à la croisée des chemins. Autant Port Royal était un havre de paix et de retraite pour un jeune homme épris de poésie autant en 1661, autant il devient un lieu où un bâtisseur comme Racine forgé aux rouages de la vie en société et aux codes de la vie dans le monde pouvait y faire ses griffes.


Jean-Pierre et Sébastien ajoutèrent :


–  Il y a toujours ses odes qu’il a écrit dont il se souvient peut-être mais avec moins de fougue et d’adhérence. A Paris, il ne versifie plus pour la nature. Il écrit pour rendre grâces aux plus grands, pour louer leurs exploits et leurs bienfaits. Cette voie vers laquelle il se dirige ne dégage plus les effluves de son enfance.

–  Port Royal n’est plus le berceau de son enfance car  à cet instant précis, Port Royal est le point de chute qui lui permet d’affuter ses armes en vue d’une bataille qu’il voit poindre. C’est à tout cela qu’il pense d’autant qu’il ne séjourne plus à Port Royal. En cette période, il loge au château de la Madeleine et commande à des hommes qui sont à son service.


Justine récapitula :


–  Cela fait plusieurs points qu’on peut mettre en valeur :

 1 / D’abord l’homme qui a refusé la charge ecclésiastique, qui a préféré se rendre à Paris et qui revient voir ses précepteurs. Quels arguments leur oppose-t-il pour faire passer la sauce  comme on dit ?

 2 / L’homme n’est plus nostalgique mais prolifique, déjà sûr de se lancer dans une carrière de lettres et qui  est déterminé à user de toutes les opportunités qui se présenteraient à lui.  

 3/ L’homme qui galope en ruminant des pensées qui n’ont rien de champêtre ou de mélancolique. C’est l’homme à un tournant de sa vie.


Et brusquement, Justine se leva en s’exclamant :


–   Voilà, parfait, c’est exactement cela : l’homme qui fait un choix décisif, décline l'offre de la grâce divine et préfère les feux de la rampe et les lumières de la ville.


  L’équipe adverse se préparait aussi à finaliser son article.  Agnès notait ses impressions tandis que son équipe se reposait, les uns adossés à la borne où sont gravés les vers magnifiant la nature et ses charmes, les autres, renversés dans l’herbe, rêvassant à rien d’autre qu’à voir le léger nuage glissant sur le ciel d'une teinte bleu roi.


Agnès notait :


"  Racine ne prenait pas seulement le chemin  qui le menait à Port Royal, il entrait dans le village, conversait avec les villageois et les commerçants et exerçait sur eux sa nouvelle palette de couleurs, sa nouvelle partition dans l’art de plaire. Il était souvent dans la brasserie à observer l’âme humaine."


Les deux équipes n’avaient que quelques minutes  qui les séparaient à l’arrivée  à Port Royal. Ils furent reçus à bras ouverts, le sourire sur leurs lèvres acheva de faire comprendre aux organisateurs que les baladins pensaient tous à la manière dont Racine avait été accueilli par sa parentèle émue de revoir l’enfant de Port Royal tandis que les maîtres des " Petites Ecoles ", un peu en retrait et avec plus de retenue,  avaient dû  faire l’effort de dissimuler leur tristesse.


La presse locale rendit compte dans ses pages de la sortie associative des deux équipes de la vallée de Chevreuse. Une soirée dans les locaux de la municipalité permit aux habitants d’admirer à nouveau les œuvres picturales d’une habitante du hameau de la Lorioterie- Milon la Chapelle,  qui a peint  les charmes du chemin de Jean Racine.


      Dessins aux pastels de quatre bornes

du chemin de Racine - 1962 - de Mlle Christiane Rogelet  

passionnée par l'histoire de Port-Royal,

Habitante de La Lorioterie, hameau de Milon-la-Chapelle.

 

Borne 1 - La vieille route des carrosses Borne 2 - Les Mollerets



Borne 3- La Lorioterie Borne 4 - Le hameau de Milon la Chapelle




 Ginette Flora

Mars 2024     

 

 

 

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4 Comments


Un texte qui me conduira aux beaux jours à la découverte de ce chemin de Racine... merci Ginette !

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Un véritable fleuron de notre patrimoine . Tout est conservé à l'identique sauf l'abbaye qui a été brûlé sur les ordres de Louis XIV.

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C❤️'est superbe et tu m'invites là à partir sur les traces de ce grand tragédien ...quel voyage sur le bord de tes mots !

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La visite de ce domaine ne laisse pas indifférent . On se surprend à penser à la vie des ces personnages !

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